La ville de Sétif se fait coquette et propre pour être digne d'un grand carrefour et d'un grand centre urbain. La traversée en été des Hauts Plateaux, long sur plus, de 300 km précisément d'El Yachir à Oued Zenati, en passant par l'axe Sétif-Constantine, à une altitude supérieure à 1000 mètres est une autre chance pour les passagers de vivre des moments inoubliables et de découvrir des lieux sans cesse en perpétuel changement. C'est dit-on une partie de l'Algérie profonde, pleine de charme que vous découvrez. Même unie par cette spécificité géographique, elle ne manque pas de diversité et de couleurs dans les paysages, les traditions et les nouveautés. Naturellement, la vie sur les hauteurs a un goût différent et donc nécessairement attrayant en particulier par un temps relativement assez doux. Déjà en entamant l'escalade qui vous fait passer presque d'un trait du bas des montagnes, au niveau de Mansourah très chaud et sec en haut du col, vous sentez rapidement la transition. Vous roulez comme si vous êtes sur le toit du pays. La première chose qui attire agréablement votre attention est justement l'avancée de la construction de l'autoroute Est qui rend la circulation très aisée. Cette année de nouveaux tronçons ont été ouverts au niveau de presque toutes les grandes agglomérations, faisant gagner un temps appréciable aux conducteurs et contribuant à améliorer la sécurité routière. D'ailleurs, nous constatons moins d'accidents sur notre parcours. D'habitude nous en rencontrions jusqu'à trois ou quatre, souvent mortels. Cette fois-ci, nous n'avons aperçu qu'un véhicule léger froissé gisant sur un arbre, laissant indiquer une situation dramatique. C'est dire que la route reste mortelle et imprévisible. Le danger peut aussi provenir là où vous ne l'attendez pas du tout. Par exemple, d'une projection de pierre d'un semiremorque que vous croisez et qui ne se rend même pas compte des dégâts qu'il peut causer. Nous avions failli être touchés de plein fouet par le jet d'une pierre de plus d'un kg . Elle a percuté, heureusement pour nous, le pare-chocs, faisant un trou et arrachant la plaque d'immatriculation. La vitesse des projectiles était telle que nous avions frôlé la catastrophe. Imaginons un instant qu'il avait atteint le pare-brise! Nous continuons notre route en remerciant Dieu de nous avoir évité le pire! Plus de peur que de mal. Les agréments qui nous attendent nous font toutefois oublier cet imprévu. Nous sentons bien que la main divine veille sur nous. Une sadaqa s'impose pour s'en acquitter. Un arrêt à El Yachir, célèbre pour ses rôtisseries de viande ovine, à nulle autre pareille, est inévitable. L'odeur savoureuse des grillades est irrésistible. Des restaurants où l'on déjeune en famille vous accueillent avec chaleur et hospitalité, de jour comme de nuit. Les repas copieux et bien garnis ne sont pas si chers au bout du compte. La viande est également ici écoulée à des prix plus abordables qu'ailleurs. Les chefs de famille en achètent par carcasses entières, soit pour faire plaisir aux parents et proches auxquels on rend visite, soit pour leurs propres besoins. Une fois rassasié et aidé d'un bon café, la route devient plus agréable à suivre. Des haltes pour se désaltérer dans des points d'eau naturelle que vous rencontrez tels des repères en faisant la chasse aux produits de saison donnent plus de saveur et contribuent à alléger les charges et la fatigue du voyage. Ici, c'est la «mastoura» cuite, qui se vend comme des «petits-pains». Des villages, notamment dans les zones irriguées par le barrage de Aïn Zada et autour d'El Eulma, en font leur commerce préféré. Il est aussi rentable. L'unité est vendue entre 15 et 20 dinars. Un jeune questionné nous indique qu'il peut écouler jusqu'à 300 épis par jour, de quoi constituer un apport d'appoint pour le revenu familial dans une région où le chômage est très répandu. «Nous achetons le maïs chez des agriculteurs, puis nous le cuissons et nous le vendons aux passagers. C'est notre gagne-pain durant une partie de l'été», nous dira ce jeune, aidé par son frère, un lycéen. Pour notre part, nous en consommons pour 100 DA avant de reprendre le chemin directement sur Aïn Fouara que nous retrouvons grouillante de monde et plus belle que jamais. Des visiteurs de partout et surtout des immigrés en famille connus à travers leur accent se bousculent pour boire l'eau miraculée directement de la source qui coule à flots et prendre des photos souvenirs. Plus que par le passé, l'afflux de visiteurs est notable, obligeant les autorités locales à mobiliser plus de moyens pour assurer un bon accueil. La ville de Sétif, elle-même se fait coquette et propre pour être digne d'un grand carrefour et d'un grand centre urbain respectable. Aussi, nous la quittons rapidement avec le devoir accompli de lui avoir rendu visite en faisant un immense plaisir aux enfants. Nos amis de la ville du 8 Mai et de Sidi El Khaïr, et ils sont nombreux, nous excusent pour cette fuite. Nous savions que s'ils avaient su notre présence, ils ne nous auraient pas lâchés si vite. Les Hauts Plateaux ne sont pas si arides et si secs qu'on le pense. La verdure créée par les espaces verts à l'infini, d'une largeur consistante tout au long de la route, dans le cadre du Grand Barrage vert des années 70, surprend plus d'un. Sa réussite pousse à l'encourager davantage. Que ce soit à El Bordj, Sétif, El Eulma, Chelghoum Laïd ou Constantine, des forêts denses de chênes cassent avec la monotonie des paysages lunaires. De plus, les Hauts Plateaux ont économiquement et socialement connu une mutation accélérée ces dernières années avec la prolifération de marchés de grandes dimensions. Tadjnent avec son marché hebdomadaire en est l'exemple. Il est devenu un pôle commercial et un bazar de premier ordre. C'est là que se traitent les grosses transactions. La ville, autrefois un petit bourg de transit, s'est également spécialisée dans la pièce détachée, en devenant une référence en la matière. Comme signe d'opulence, on construit de grandes bâtisses, villas, magasins, hôtels, chaînes commerciales et grands restaurants. «Allez voir ce qui se passe à l'intérieur du pays! c'est quelque chose de fabuleux», disait un Premier ministre dans les années 80, pour échapper au harcèlement des journalistes qui le questionnaient sur sa gestion centrale. Il ne s'était pas trompé. L'Algérie profonde avance lentement mais sûrement. «A Tadjenent, il y a de tout», nous dit un commerçant ajoutant «qu'il n' y a que votre mère et votre père que vous ne pouvez trouver ici.» Précaution à prendre: éviter de circuler le jour du Souk. L'aventure continue.