L'un des plus pauvres pays africains, la Sierra Leone, est toujours à la recherche de sa stabilité Les bureaux de vote ont fermé et le dépouillement a commencé samedi soir en Sierra Leone, où plus de 3,1 millions d'électeurs devaient choisir pour diriger le pays entre l'héritier du chef de l'Etat sortant et le candidat du principal parti d'opposition, arrivé de peu en tête au premier tour. Les bureaux de la capitale, Freetown, ont fermé comme prévu à 17h00 et le dépouillement a immédiatement commencé, en présence d'observateurs nationaux et internationaux et de représentants des deux partis concurrents. Les résultats sont attendus en début de semaine prochaine, alors que la campagne a été marquée par des violences sporadiques entre partisans de la majorité et de l'opposition. Après dix ans au pouvoir, le chef de l'Etat de ce pays anglophone et pauvre d'Afrique de l'Ouest, Ernest Bai Koroma, n'avait plus le droit de se représenter. Au premier tour, le 7 mars, le candidat du principal parti de l'opposition, le SLPP, l'ancien militaire Julius Maada Bio, avait remporté 43,3% des suffrages, soit une avance de 15 000 voix sur Samura Kamara, homme lige du président Koroma et candidat de l'APC, le parti au pouvoir, qui avait remporté 42,7% des suffrages. «Le duel est trop serré pour dire qui va l'emporter», expliquait à la veille du scrutin l'analyste politique Edmond Abu. Les deux partis peuvent en principe compter sur le soutien de leurs fiefs respectifs, dans un pays où les affiliations politiques coïncident souvent avec l'appartenance ethnique et régionale. La victoire pourrait dès lors se jouer à Freetown, à la population plus diversifiée, et dans le district diamantifère de Kono, dans l'est du pays, traditionnellement considéré comme un «swing state», selon M. Abu. «Il devrait y avoir un nombre assez surprenant de voix pour le SLPP à Kono et à Freetown», abonde le directeur de l'Institute for Governance Reform, Andrew Lavalie, en soulignant le poids croissant du «vote contestataire». La participation, qui avait atteint des sommets au premier tour (plus de 84%), a «d'abord été faible dans certains bureaux, mais elle s'est progressivement améliorée», indique un rapport provisoire d'un réseau d'observateurs soutenu par USAid, l'agence américaine d'aide au développement. L'Union européenne, l'Union africaine, la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et le Commonwealth ont également déployé des observateurs aux quatre coins de ce pays de 7 millions d'habitants. Pendant la journée, des électeurs ont contesté la présence de nombreux militaires et policiers armés aux abords des bureaux de vote lors d'échanges tendus avec les forces de l'ordre. «Je suis effrayé par tous ces hommes armés autour des centres de vote», a confié Mohamed Sesay, un jeune homme de 19 ans qui votait pour la première fois. M. Bio a assuré après avoir déposé son bulletin que ce déploiement massif pouvait être tenu pour responsable de la participation «décevante» au second tour. Il a toutefois jugé que le vote se déroulait jusque-là de manière «juste, transparente et crédible». Agé de 53 ans, M. Bio, un ancien militaire, tente un retour au pouvoir, qu'il a brièvement exercé il y a 22 ans à la suite d'un coup d'Etat avant de le remettre aux civils. Après avoir ensuite étudié aux Etats-Unis, il s'était lancé en politique. Battu en 2012 par M. Koroma, il espère cette fois sa revanche. Peu populaire au sein de son propre parti, son adversaire, Samura Kamara, 66 ans, peut toutefois compter sur le soutien du président sortant, Ernest Bai Koroma, qui l'a personnellement choisi comme figure de proue de l'APC. Gravitant depuis 30 ans dans les sphères du pouvoir et dans les organisations internationales, il reste pourtant un quasi-inconnu pour le grand public. Pendant la campagne, il a promis que, s'il était élu, l'APC «ferait plus dans les domaines des routes, de l'électricité, de la santé et de l'éducation». «Nous savons qu'il y a des infrastructures qui sont construites, mais au niveau du développement humain, c'est zéro», a regretté un électeur de Freetown, visiblement déçu par l'administration sortante.