Sommé de se présenter aux autorités,avant jeudi soir, pour être transféré en prison, l'ex-président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva a refusé de se soumettre L'ex-président brésilien Lula pourrait dès hier se retrouver dans une cellule de 12 mètres carrés, commençant à purger une lourde peine de prison pour corruption, après deux jours passés retranché parmi ses fervents partisans près de Sao Paulo. Luiz Inacio da Silva et ses avocats ont négocié vendredi avec les autorités les conditions de l'arrestation du grand favori de l'élection présidentielle d'octobre. Celui-ci ne s'était pas rendu à la police fédérale de Curitiba (sud), comme le lui avait demandé la justice. Les autorités brésiliennes sont visiblement soucieuses que l'incarcération de celui qui fut deux fois président (2003-2010) et qui avait quitté le pouvoir sur un taux de popularité record se fasse à la fois sans violence et le plus dignement possible. Condamné à 12 ans et un mois de prison pour corruption et blanchiment d'argent, la figure emblématique de la gauche brésilienne devait pouvoir assister à 09h30 (12h30 GMT) à une messe en hommage de son épouse, avant de se rendre aux autorités et de prendre la direction de la prison, à 400 km de là. Marisa Leticia, décédée en février 2017, aurait eu 68 ans hier. Elle a été mise en cause pour l'octroi du triplex en bord de mer de la part d'une entreprise du BTP qui a valu à Lula sa lourde condamnation. Cet appartement aurait été donné en échange de faveurs dans l'obtention de marchés publics. Lula, qui a toujours nié farouchement sa culpabilité, avait souhaité à la mort de sa compagne de toute une vie de militantisme et mère de ses trois enfants que «les criminels qui ont accusé Marisa à la légère aient un jour l'humilité de demander pardon». L'office catholique devait se dérouler au siège du syndicat des métallurgistes de la ville de Sao Bernardo do Campo, dans la ceinture industrielle de Sao Paulo, où Lula a passé les deux derniers jours, entouré de sympathisants près à sa battre «jusqu'au bout». Il a dirigé ce syndicat dans les années 70, sous la dictature militaire, et c'est là qu'a démarré la formidable ascension de cet homme combatif, aussi adoré que détesté par les Brésiliens, et dont la politique a été toute la vie. La plupart des commentateurs du psychodrame qui tient le pays en haleine et fait l'objet d'une couverture médiatique massive, s'attendaient à ce que le septuagénaire se livre aux autorités après la messe. Le cas Lula ayant déjà été fertile en rebondissements, certains autres n'écartaient pas la possibilité que le vieux lion de la politique essaie de gagner quelques jours, dans l'espoir que sa défense obtienne enfin satisfaction après un énième recours auprès de la Cour suprême, toujours en cours d'examen. S'il est arrêté dès hier, Lula se retrouvera dans une cellule de 12 mètres carrés avec toilettes et douche privatives, au siège de la Police fédérale de Curitiba (sud), à priori avant un transfèrement. Le juge anticorruption Sergio Moro a expliqué que la cellule avait été spécialement prévue en raison du statut d'ex-chef d'Etat de Lula, «à l'écart des autres prisonniers, sans aucun risque pour son intégrité morale ou physique», dans un pays tristement célèbre pour sa surpopulation carcérale. C'est à Curitiba qu'est basé le juge Moro - grand ordonnateur de l'enquête tentaculaire «Lavage express» autour du groupe Petrobras - qui a condamné en première instance l'icône de la gauche, et a émis jeudi un mandat de dépôt à son encontre. Lula «a été condamné pour blanchiment d'argent et corruption. Il faut exécuter la sentence», a déclaré le juge vendredi à la chaîne de télévision chinoise Cgtn, «je ne vois aucune raison spécifique de la reporter». L'épicentre de la «résistance» pro-Lula se trouvait toujours hier à Sao Bernardo mais le Parti des travailleurs (PT) de celui qui a extrait près de 30 millions de Brésiliens de la pauvreté entre 2003 et 2010 et d'autres organisations de gauche ont organisé vendredi des manifestations dans une cinquantaine de ville de l'immense pays. Le camp anti-Lula s'est également mobilisé, mais plus faiblement, la disgrâce de Lula semblant acquise. Même en prison, Lula pourrait toutefois techniquement s'enregistrer comme candidat à la présidentielle d'octobre. C'est la justice électorale qui trancherait in fine sur l'éligibilité de celui qui a près de 20 points d'avance dans les intentions de vote sur son suivant immédiat.