Luiz Inacio Lula da Silva, l'ancien chef de l'Etat brésilien de gauche, est accusé d'avoir «joué un rôle central» dans le scandale de corruption autour du groupe pétrolier Petrobras. Un lourd dossier a été remis au juge par le parquet. Le parquet a demandé mercredi à un juge d'inculper l'ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva pour «corruption», accusant cette icône de la gauche d'avoir été le «chef suprême» du réseau de malversations au sein du groupe public pétrolier Petrobas. Malgré les accusations portées contre lui et contre le Parti des travailleurs qu'il a créé, l'ancien chef d'Etat le plus populaire du pays (2003-2010) n'avait pas encore été inculpé jusqu'à présent pour corruption dans l'affaire Petrobas, mais pour «tentative d'entrave à la justice». Il devait donner une conférence de presse, hier à 16h GMT à Sao Paulo (sud). «Lula se trouvait en haut de la pyramide et, sans son pouvoir de décision, ce réseau de corruption aurait été impossible», a déclaré mercredi le procureur Deltan Dallagnol lors d'une conférence de presse à Curitiba (Parana, sud), des accusations que l'avocat de l'ex-Président a aussitôt qualifiées de «farce». Le procureur a transmis au juge Sergio Moro, de cette même ville de Curitiba, le dossier d'inculpation de Lula pour «corruption» et «blanchiment d'argent». C'est à ce juge, chargé du dossier sur les enquêtes de «l'opération lavage rapide» (portant sur le scandale Petrobras), qu'il revient de décider s'il accepte ou non l'inculpation de Lula, 70 ans, icône de la gauche brésilienne. Le procureur a souligné que le réseau de corruption ne se limitait pas à Petrobras mais touchait sa filiale Eletrobras, les ministères de la Planification et de la Santé, la banque d'Etat Caixa Econômica et probablement d'autres organismes publics. M. Dallagnol a affirmé que dans le cadre de cette affaire qui constitue «le plus grand scandale de corruption de l'histoire du Brésil», Lula avait reçu quelque 3,7 millions de réais (1,1 million de dollars au taux de change actuel) sous forme de «pots-de-vin» versés par l'entreprise de BTP OAS. OAS est l'une des principales entreprises impliquées dans le réseau de corruption. Elle aurait octroyé des avantages en nature à l'ancien Président par le biais, entre autres, de travaux en vue de refaire un triplex. Coïncidence Lula a toujours rejeté les accusations à son encontre, affirmant notamment ne jamais avoir été propriétaire de cet appartement. Mercredi, il a précisé sur sa page facebook qu'il s'était rendu «une fois» dans ce triplex de Guaruja (littoral de Sao Paulo, sud) quand il avait envisagé de l'acheter. Son avocat, Cristiano Zanin Marins, a déclaré que l'accusation du procureur Dallagnol, qui manque de preuves, s'était «perdue dans un déplorable spectacle». «C'est une accusation de nature politique dont la finalité est d'imposer une condamnation indue et injuste contre Lula», a-t-il lancé. La femme de l'ex-président, Maria Leticia, et six autres personnes dont Leo Pinheiro (ex-patron d'OAS) et le président de l'Institut Lula, Paulo Okamoto, font également l'objet d'une inculpation. Lula est visé par trois enquêtes dans le cadre du scandale Petrobras, une affaire qui a coûté plus de deux milliards de dollars à la compagnie-phare du Brésil et bénéficié à des dizaines d'hommes politiques de divers partis, à des entrepreneurs du BTP et à des directeurs de Petrobras. Il avait déjà été inculpé le 29 juillet de «tentative d'entrave à la justice». C'était la première fois que l'emblématique ex-Président était appelé à rendre des comptes devant un tribunal en liaison avec cette affaire. Le 26 août, la police brésilienne avait formulé à son encontre, toujours dans ce dossier, des accusations de «corruption passive» et de «blanchiment d'argent», en plein procès en destitution au Sénat de sa dauphine politique Dilma Rousseff. Ses avocats avaient alors dénoncé une accusation «politique», ne croyant pas à une «coïncidence». Si Lula était condamné, il ne sera plus en mesure de se présenter à un troisième mandat en 2018. Fin juillet, il avait déposé une requête auprès du Comité des droits de l'homme de l'ONU à Genève contre les «abus de pouvoir» dont il se disait victime. Ses ennuis judiciaires représentent un nouveau coup dur pour la gauche brésilienne, après la destitution par les sénateurs, pour maquillage des comptes publics, de Dilma Rousseff, remplacée le 31 août par son ancien vice-président Michel Temer, l'homme fort du PMDB (centre droit), jusqu'à la fin de son mandat, fin 2018.