Chaque fois qu'on parle ou se rappelle des symboles de la Révolution algérienne, plusieurs reviennent à l'esprit. Parmi eux, cette mythique équipe de football du FLN, qui fêtera aujourd'hui le 60e anniversaire de sa création, un certain 15 avril 1958. Au moment où l'Algérie se trouvait sous l'ère du colon français, ce dernier visait à promouvoir son pays, en exploitant tout ce qui est algérien. Aucun domaine n'a été épargné, y compris sportif, puisque les instances françaises avaient décidé, en 1958, de renforcer les rangs de leur sélection nationale de football d'alors par des talents algériens, surtout ceux résidant en France. Ceci, étant donné que «les Bleus» se préparaient pour la Coupe du monde organisée cette année-là en Suède. Les talents algériens dans le championnat français étaient à la pelle en cette période, tels le défenseur de charme de l'AS Monaco, feu Mustapha Zitouni, et l'attaquant «qui avait les yeux derrière la tête», Rachid Mekhloufi pensionnaire de l'AS Saint-Etienne. Deux éléments qui portaient déjà les couleurs de l'Equipe nationale française et avaient contribué grandement à sa qualification pour ladite édition du Mondial. Le Front de Libération nationale (FLN), créé après les décisions du congrès de la Soummam en 1956, ne voulait pas rester les bras croisés face à cette situation, en relançant le projet ayant germé en 1957, qui était de lancer une équipe de football. Selon le FLN, le sport peut être exploité pour l'indépendance de l'Algérie, comme cela a déjà été fait dans le secteur militaire, syndical, étudiant ou culturel en créant des organisations ou des syndicats autonomes et musulmans. Mohamed Boumezrag El Mokrani, latéral droit des Girondins de Bordeaux et directeur de la sous-division régionale algérienne de la Fédération française de football, a eu la géniale idée, tout juste après son retour des Jeux de l'amitié organisés à Moscou (Urss), de mettre en place une équipe de football en rassemblant les joueurs algériens évoluant en France, dans le seul objectif de faire connaître la cause algérienne et le dur combat mené par les moudjahidine. Un projet que l'enfant de Chlef a tenu à garder secret, en n'informant que ses deux lieutenants, Mokhtar Arribi et Abdelaziz Bentifour. Les trois hommes multipliaient, alors, les réunions clandestines entre décembre 1957 et avril 1958 avant de joindre l'acte à la parole. Ils ont pris attache avec les joueurs algériens évoluant dans le championnat français, en leur demandant de quitter immédiatement leurs clubs et de rejoindre cette nouvelle équipe à Tunis, lieu de sa création. Le choix de la capitale de la Tunisie s'explique d'une part par l'attitude du président tunisien Habib Bourguiba qui vantait la fraternité panarabe, et d'autre part pour sa proximité avec l'Algérie, contrairement à d'autres pays prônant le même discours, mais géographiquement plus éloignés. L'objectif, insistait-on, était plus que sportif puisque le trio en question voulait montrer au colon français que même les footballeurs étaient impliqués dans la guerre de libération. Cependant, cela n'écarte pas l'aspect sportif, puisque le FLN cherchait une équipe qui portera son nom et qui deviendra, par la suite, son ambassadeur dans les instances internationales, en raison de la popularité au niveau international du sport en général et du football en particulier Dès le lendemain de l'appel, 10 joueurs quittent la France en catimini, parmi eux Zitouni et Mekhloufi, pour rejoindre Tunis. Contrairement à Hassen Chabri et a Mohamed Maouche qui ont eu des difficultés à passer les frontières françaises en voiture, à cause des services secrets français. «J'ai beaucoup d'amis en France, mais le problème est plus grand que nous. Que faites-vous si votre pays est en guerre et que vous êtes appelé?», a expliqué Mustapha Zitouni, décédé le 5 janvier 2014 à Nice. Le grand jour Du coup, La France est consternée et sa sélection est décapitée, à deux mois du Mondial. Des joueurs adulés, mariés pour la plupart à des Françaises et menant la vie insouciante de stars, décident, tout d'un coup, de changer de statut. Ce retournement de situation a eu un écho médiatique important au niveau mondial, d'autant plus que le monde entier suivait attentivement la préparation intense des Français pour la participation à la plus prestigieuse des compétitions internationales. Le célèbre journal spécialisé français, L'Equipe, titrait ce jour-là à sa Une: «Neuf footballeurs algériens portés disparus», alors que France Football aborda le sujet, un peu plus tard, en lui consacrant quatre pages. Un débat public sur ce sujet controversé fut lancé. La Fédération française de football (FFF) a publié un communiqué, où était mentionné, entre autres: «Les joueurs indigènes mordent à pleines dents dans le pain du football que nous leur distribuons.» Entre-temps, les initiateurs de la création de cette équipe du FLN continuaient à aller leur petit bonhomme chemin de chemin, avant que le grand jour n'arrive... un certain 15 avril 1958 et l'officialisation de la création de cette équipe d'«une nation sans Etat». Une équipe qui servira de porte-voix au Gouvernement provisoire de la République algérienne, devenant un outil de propagande, ayant l'occasion de populariser l'insurrection algérienne partout dans le monde. Une équipe époustouflante Les tentatives des Français de l'en dissuader se sont avérées vaines, et même sa non-reconnaissance au niveau de la toute puissante FIFA, sous la pression des Français, n'a en rien diminué la volonté des joueurs la composant. Le premier match officiel s'est déroulé le 9 mai 1958, contre le Maroc et s'est soldé par une victoire du FLN (2-0). Au total, elle a disputé 58 matchs, avec un bilan de 44 victoires, 10 matchs nuls et 4 défaites, avec des déplacements dans différentes capitale du monde: Pékin, Belgrade, Hanoï, Tripoli, Rabat, Prague, Damas etc. dans lesquelles les Mekhloufi, Amara, Zouba, Boubekeur, et autres Kermali et Maouche pour ne citer que ceux-là, descendaient en portant le drapeau algérien. Force était de constater que ces «stars» laissaient leurs empreintes là où elles passaient. L'équipe affrontait la plupart du temps des clubs, souvent les plus prestigieux, et il lui arrivait parfois d'affronter des sélections nationales, comme ce match référence contre la glorieuse Yougoslavie, que les Algériens ont remporté sur le score de 6-1 devant 80.000 spectateurs enthousiastes. Une équipe algérienne qui continua à jouer son rôle sportif militant jusqu'en 1962, date à laquelle elle constitua le premier noyau de l'Equipe nationale algérienne. «Il y a eu les 22 qui ont été à l'origine du déclenchement de la révolution et il y a eu les 32 footballeurs qui ont sillonné le monde pour porter haut la voix de l'Algérie. Avec du recul, je peux dire qu'aucun d'entre nous ne regrette. Nous étions révolutionnaires. J'ai lutté pour l'indépendance», a déclaré Mohamed Maouche, un des mem-bres de cette équipe. Aujourd'hui, les membres de cette équipe qui sont toujours en vie, ont comme un pincement au coeur de se voir frappés d'un certain ostracisme par le monde du football et faisant l'objet un peu plus chaque jour de l'ingratitude et de l'oubli affichés à leur égard par ceux qui sont censés les soutenir. Effectif Gardiens: Abderrahmane Boubekeur (AS Monaco), Ali Doudou (USM Annaba), Abderrahmane Ibrir (O Marseille) Défenseurs: Mustapha Zitouni et Kaddour Bekhloufi (AS Monaco), Dahmane Defnoun (SCO Angers), Mohamed Soukhane, Chérif Bouchache, Smaïn Ibrir (Le Havre AC), Abdallah Settati (Girondins de Bordeaux), Khaldi Hammadi (Stade tunisien) Milieux de terrain: Mokhtar Arribi (RC Lens) et (FC Sète), Saïd Haddad (Toulouse FC), Ali Benfadah (SCO d'Angers), Rachid Mekhloufi (AS Saint-Etienne), Mohamed Boumezrag (US Le Mans), Boudjemaâ Bourtal (AS Béziers), Amar Rouaï (SCO Angers), Hassen Chabri, Abdelaziz Bentifour (AS Monaco), Attaquants: Abdelhamid Kermali (O Lyonnais), Abdelhamid Bouchouk, Saïd Brahimi (Toulouse FC), Mohamed Maouche (Stade de Reims), Ahmed Oudjani (RC Lens), Amokrane Oualiken, Abdelkader Mazouz, Mohamed Bouricha (Nîmes Olympique), Abderrahmane Soukhane, Hocine Bouchache (Le Havre AC), Abdelkrim Kerroum (AS Troyes), Saïd Amara (AS Béziers), Abdelhamid Zouba (Chamois Niortais).