Une poignée de main au niveau de la ligne de démarcation Pour aussi symbolique qu'il puisse paraître, ce rituel a servi de signe éloquent du dégel en cours entre les deux pays qui ont, lors des entretiens, abordé les sujets majeurs de la dénucléarisation de la péninsule, l'instauration de la paix et la rencontre des familles séparées. La poignée de main historique entre les deux dirigeants nord et sud-coréens a bien eu lieu hier, donnant lieu à un véritable ballet impromptu de part et d'autre de la ligne de démarcation. Elle était attendue depuis plus de dix ans alors que les deux sont pratiquement dans un état de Guerre froide de plus de soixante ans, avec une montée des tensions voici quelques mois à peine, lorsque Pyongyang en était encore à ses essais nucléaires et balistiques pour assurer sa sécurité. Calibrée avec soin, la rencontre aura donné lieu à tout un florilège de réminiscences culturelles et sociales, les objets tels que la table de discussion et même la vaisselle ayant été élaborés en hommage à ce moment exceptionnel qui a vu Kim Jong-Un, tout- sourire et débonnaire, pousser la plaisanterie en invitant le président Moon Jae-in à franchir les pavés de démarcation dans le sens inverse pour marquer la fin d'un époque. D'ailleurs, le Sud-Coréen sera attendu pour une visite officielle à Pyongyang avant la fin de l'année, après qu'il eut posé la question: «Quand vais-je pouvoir visiter le Nord?», ce à quoi le Nord-Coréen a répondu «pourquoi pas maintenant?» en l'entraînant, malgré son hésitation, du côté de la Ligne de démarcation militaire qu'il avait franchie en premier. Pour aussi symbolique qu'il puisse paraître, ce rituel a servi de signe éloquent du dégel en cours entre les deux pays qui ont, lors des entretiens, abordé les sujets majeurs de la dénucléarisation de la péninsule, l'instauration de la paix et la rencontre prochaine des familles séparées par la guerre depuis une soixantaine d'années. Ce sont là les axes principaux que l'on trouve dans la Déclaration de Panmunjom signée hier, à l'issue de cette rencontre historique entre les dirigeants des deux Corées et axée, notamment, sur les questions du régime de paix, de la dénucléarisation, du désarmement et de la réunion des familles séparées. Avec ce document exceptionnel, «la Corée du Sud et la Corée du Nord confirment l'objectif commun d'obtenir, au moyen d'une dénucléarisation totale, une péninsule Coréenne non nucléaire». Elles «partagent le point de vue selon lequel les mesures initiées par la Corée du Nord sont très significatives et cruciales pour la dénucléarisation de la péninsule Coréenne et conviennent de jouer leur rôle respectif et d'assumer leurs responsabilités à cet égard». Elles «conviennent de rechercher activement le soutien et la coopération de la communauté internationale en vue de la dénucléarisation de la péninsule Coréenne». Aussi, «durant cette année qui marque le 65ème anniversaire de l'armistice, la Corée du Sud et la Corée du Nord conviennent de rechercher activement des rencontres trilatérales impliquant les deux Corées et les Etats-Unis, ou quadripartites impliquant les deux Corées, les Etats-Unis et la Chine, en vue de déclarer la fin de la guerre et d'établir un régime de paix permanent et solide». Autre fait important, «les deux dirigeants sont convenus d'avoir des discussions régulières et franches, via des rencontres et par liaison téléphonique directe, sur des questions vitales pour la nation, pour renforcer la confiance mutuelle, et de chercher ensemble à renforcer l'élan positif afin de continuer à faire avancer les relations intercoréennes de même que la paix, la prospérité et l'unification de la péninsule Coréenne. Dans ce contexte, le président Moon Jae-in a accepté de se rendre à Pyongyang cet automne». Au terme de ce sommet, «la Corée du Sud et la Corée du Nord sont convenues de chercher à résoudre les questions humanitaires résultant de la division de la nation, et d'organiser une réunion intercoréenne de la Croix-Rouge pour discuter et résoudre diverses questions, y compris la réunion des familles séparées. Dans cet esprit, les deux Corées ont décidé de poursuivre le programme de réunion des familles séparées à l'occasion du Jour de la libération nationale le 15 août cette année». Prenant l'engagement «devant les 80 millions de Coréens» qu' «une nouvelle ère de paix a commencé», les deux dirigeants ont en quelque sorte élaboré le scénario de ce que serait, ou plurôt, de ce que pourrait être le sommet suivant entre Kim Jong-Un et le président américain Donald Trump, sauf qu'avec ce dernier on ne peut exclure une ultime surprise. En tant qu'étape marquante de la nouvelle «ère» coréenne, le premier sommet intercoréen n'a certes pas abouti à un Traité de paix, mais il préfigure une amorce tangible des retrouvailles que personne n'envisageait sérieusement voici quatre mois à peine, et sûrement pas le président Trump lui-même, au plus fort de l'échange d'invectives et de menaces avec le dirigeant nord-coréen. Arrivé au pouvoir en décembre 2011, à la mort de son père, Kim Jong-Un qui s'était fixé deux étapes essentielles pour le devenir de son pays, l'une relative à son armement nucléaire garant de la pérennité du régime, l'autre au développement économique impliquant la nécessaire ouverture sur l'environnement international, vient de passer à la deuxième étape de son programme d'action. A cet effet, il aura besoin d'un engagement ferme des Etats-Unis et de ses alliés occidentaux dont la réconciliation engagée avec Séoul constitue la clé indispensable, tandis que la Chine et la Russie saluent une démarche que le président américain reconnaît lui aussi «positive», tout en invitant à «la prudence». Et tout dépendra au cours des prochaines semaines, sinon des prochains mois, de la manière dont Washington va accompagner le processus pour lequel Trump entend imposer des conditions drastiques en matière de dénucléarisation.