La démarche a largement contribué à canaliser les rancoeurs. Institué en système politique, l'apartheid a eu la peau dure puisqu'il a sévi de 1948 à 1992. En 1990, le chef du Congrès national africain (ANC), Nelson Mandela, a été libéré après 27 ans de détention dans les geôles de l'apartheid. Avec cette libération, le processus des négociations a été ouvert entre l'ANC et le parti au pouvoir le NP (Parti national). L'une des questions les plus controversées relatives à ces négociations, âpres et difficiles, a été de savoir si le gouvernement pouvait être amnistié pour les crimes commis à l'époque de l'apartheid. Le NP insistait pour obtenir cette amnistie et l'ANC plaidait pour une responsabilité dans tous les crimes commis sous le règne de l'apartheid. Il a été décidé enfin d'une amnistie qui couvrirait toutes les infractions commises pour des raisons politiques. En novembre 1994, le nouveau gouvernement issu des élections générales, présente la promotion du projet de loi d'unité et de réconciliation nationale au Parlement. Le projet prévoit l'amnistie mais exige qu'elle ne soit accordée qu'à ceux qui la demandent, qui révèlent les crimes qu'ils ont perpétrés et qui prouvent qu'ils les ont commis pour des motifs politiques. Le moyen proposé pour cette révélation a été la commission pour la vérité et la réconciliation (CVR ). Elle a été créée suite à une vaste consultation entre les partis politiques les autres acteurs sociaux. L'archevêque Desmond Tutu a été nommé à la tête de cette commission, composée de trois éléments: un comité d'amnistie, un comité des droits de l'homme et un comité de réhabilitation et de réparation. La philosophie de la CVR est que «la réconciliation n'est possible que si nous partons des fondements de la vérité, l'amnistie peut être réconfortante; mais en fin de compte; elle empêchera la réconciliation plus qu'elle ne l'encouragera», déclarait Mgr Tutu dans un discours le 21 octobre 1997. Le rapport final de la CVR qui comporte 250 recommandations a été présenté au président Mandela en octobre 1998. L'une des principales recommandations stipulait: «En vue d'éviter la culture de l'impunité et de consolider l'Etat de droit, il convient de renoncer à toute mesure d'amnistie générale sous quelque forme que ce soit.» En présentant le document au public, Nelson Mandela fit un discours émouvant où il présenta ses excuses aux victimes au nom du gouvernement sud-africain. La démarche n'a pas été épargnée par les critiques, mais elle a largement contribué à canaliser les rancoeurs, et à permettre aux Sud-Africains de regarder leur passé et leur avenir ensemble.