Le coup d'envoi sera donné aujourd'hui aux importantes négociations sur les réformes envisagées pour les Nations unies. A partir d'aujourd'hui, et à moins de trois semaines du sommet extraordinaire de l'Assemblée générale de l'ONU - auquel pas moins de 173 chefs d'Etat ou de gouvernement sont annoncés - s'ouvrent les ultimes discussions pour trouver un consensus aux divers points ouverts au débat, dont le moindre n'est pas celui concernant la réforme du Conseil de sécurité de l'ONU. Le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, n'a cessé ces dernières semaines de dire que le temps presse, invitant les Etats membres à trouver des compromis propres à faire avancer une réforme dont les Nations unies ont grandement besoin. Selon l'actuel président de l'Assemblée générale de l‘ONU, le Gabonais Jean Ping, chargé de la prise en charge du document final, ce dernier «avance dans la bonne direction mais nous avons encore des divergences persistantes dans un certain nombre de domaines importants, des problèmes de fond sur lesquels nous allons devoir négocier». De fait, après plusieurs mois de discussions et de négociations, souvent passionnées, les divergences restent importantes sur la plupart des thèmes en débat. Pour faciliter les discussions, un groupe de travail représentatif des continents et regroupements régionaux a été constitué. Selon M.Ping, ce groupe restreint, -dont la composition a nécessité de longues discussions cette semaine-, formé de représentants des grands groupes comme les Non-alignés, les 77, l'Union africaine, l'Union européenne, la Caricom (Caraïbes et Amérique latine) et d'autres travaillera sur la base d'un projet de texte soumis par lui aux Etats membres pour servir de document final du Sommet, document qu'il n'a cessé d'améliorer depuis plusieurs mois. Les thèmes en débat ont été regroupés en sept grandes questions et sont ouverts à la discussion car faisant toujours l'objet de «divergences persistantes», assure le président de l'Assemblée générale. Ainsi, le groupe de travail doit trouver des compromis aux thèmes principaux inscrits à l'ordre du jour - «le terrorisme et sa définition»; «le désarmement et la non-prolifération des armes de destruction massive»; «le sort de la très discréditée Commission des droits de l'homme»; «la responsabilité de protéger les populations menacées de génocide»; «la création d'une Commission de consolidation de la paix»; «la réforme de l'administration de l'Onu»; «le développement». Aussi, l'appréhension est grande quant à un éventuel échec à trouver un consensus avant l'ouverture du sommet extraordinaire dont l'ambition est de poser les premiers jalons d'une organisation des Nations unies rénovées. Toutefois, sans surprise en fait, les Etats-Unis, continuant à faire cavalier seul, s'opposent de front à des réformes consensuelles approuvées par l'ensemble des Etats membres de l'ONU (actuellement au nombre de 191) et veulent imposer leur propre vision d'une futur ONU où ne sont retenus que les thèmes qui les agréent: la lutte contre le terrorisme et contre la prolifération nucléaire notamment. De fait, les Etats-Unis ont fait circuler cette semaine dans les couloirs des Nations unies une version (très) largement amendée du document préparé par M.Ping. Or, la version américaine supprime toute mention ou allusion au développement, à la lutte contre la pauvreté et aux engagements pris par la communauté mondiale lors du sommet du Millénaire de 2000. Le nouvel ambassadeur américain aux Nations unies, John Bolton, a ainsi fait circuler un document contenant pas moins de 750 amendements mettant à mal un document onusien qui a nécessité des mois de négociations et de discussions entre les Etats membres de l'ONU. Selon le Washington Post de jeudi, dans ces amendements, le gouvernement américain propose notamment d'éliminer toute nouvelle promesse sur l'aide au développement aux nations les plus pauvres, par la suppression de toute référence aux objectifs fixés lors du sommet du Millénaire en 2000. Washington rejette également toute exigence sur la lutte contre le changement climatique, ou toute demande de nouveau progrès dans le démantèlement des ADM (armes de destruction massive) détenues par les puissances nucléaires, selon toujours le Washington Post. En revanche, les Etats-Unis demandent une action plus ferme contre le terrorisme et la dissémination des ADM, ou des références à la promotion des droits de l'homme et de la démocratie. Les USA veulent également imposer un meilleur contrôle des dépenses de l'ONU, et enlever toute référence à la Cour pénale internationale. Première puissance mondiale, les Etats-Unis veulent ainsi imposer leur suprématie sur les Nations unies en les mettant à leur botte, les cantonnant quasiment dans un rôle de sous-traitant. En outre, Washington s'oppose à l'élargissement du Conseil de sécurité tel que proposé par le secrétaire général de l'ONU et à l'octroi du droit de veto aux éventuels nouveaux membres permanents du Conseil de sécurité. De fait, les Etats-Unis disent clairement leur intention de renégocier profondément (à leur seul profit) l'ambitieux projet de réforme de l'ONU dont les chefs d'Etat et de gouvernement doivent en débattre lors du sommet extraordinaire des 14 et 15 septembre prochains. Il ne fait pas de doute que le risque de clash est sérieux entre les Etats-Unis et une majorité des Etats membres de l'ONU qui refusent le diktat que Washington veut imposer aux Nations unies et, partant, à l'ensemble de la communauté internationale. De fait, les négociations qui débutent aujourd'hui s'annoncent difficiles et cruciales opposant une puissance américaine qui veut officialiser son hégémonie sur le monde, et des Etats membres qui souhaitent au contraire libérer les Nations unies en leur restituant leurs prérogatives, conformément à l'acte fondateur de San Francisco de 1945.