L'instance mondiale est dans ses petits souliers Mis hors de cause par la justice suisse, Michel Platini se voit déjà lavé de tout soupçon par la FIFA. Sauf que cette dernière ne semble pas disposée à lever la suspension qui court jusqu'à octobre 2019, et empêcherait le Français de se présenter pour la présidence de l'instance en juin de la même année. «?Nous vous confirmons que la présente procédure n'est pas menée à l'encontre de votre mandant, Michel Platini.?» Le propos de Cédric Remund, procureur du ministère public de la Confédération helvétique (MPC), est épuré. Mais son impact n'en est pas moins grand lorsque la missive arrive sur le bureau de Maître Vincent Solari, l'avocat de Michel Platini. À en croire le représentant de l'ancien numéro 10 des Bleus, cette simple phrase innocente son client dans l'affaire qui a précipité sa chute. Pour rappel, le 25 septembre 2015, le président de l'UEFA était entendu comme témoin assisté par la justice suisse pour avoir reçu 1,8 million d'euros en 2011, pour une activité de conseil envers Sepp Blatter, alors patron de la FIFA. Démissionnaire en juin de la même année, le big boss va tomber avec celui qui devait lui succéder. Dès le 8 octobre 2015, la Commission d'éthique de la FIFA suspend les deux hommes pour 90 jours, avant d'étendre la sanction à huit ans en fin d'année civile. Depuis, de l'eau a coulé sous les ponts: Gianni Infantino a profité du boulevard pour devenir le numéro un du foot mondial, la Coupe du monde est passée à 48 équipes, et l'arbitrage vidéo est devenu la norme. Sans parler des autres réformes au niveau européen, tous les combats que menait Michel Platini ont été perdus pendant son absence. Ses perspectives aujourd'hui? Faire annuler sa suspension au sein de la FIFA, qui tient pour le moment jusqu'à octobre 2019, alors que l'élection du prochain président - ou la réélection d'Infantino - sera votée en juin de la même année. Pour l'ancien capitaine de l'équipe de France et son avocat, il serait logique que la direction du football mondial «?lève la suspension car celle-ci était purement motivée par l'enquête de la justice suisse?». Une vision des choses à laquelle la FIFA n'adhère pas pour le moment, si l'on prend en compte son premier et seul comité sur le sujet: «?Michel Platini a été suspendu pour violation du code d'éthique. La décision a été maintenue par le Tribunal arbitral du sport qui a confirmé les accusations, mais a réduit la durée de la suspension. Il a toujours été très clair pour la FIFA comme pour le TAS que Platini n'a jamais été visé par une enquête criminelle en Suisse. Les éléments d'un acte criminel dans la loi suisse sont différents de ceux pris en compte pour un acte prévu par le code d'éthique de la FIFA.?» Mais si la Fédération internationale garde une posture ferme pour le moment, Maître Solari temporise, car «?ce communiqué n'est pas une décision ferme et finale de l'instance, il faut encore attendre?». D'autant que pour lui, «?il est contraire à la bonne foi de dissocier la suspension à la FIFA et l'enquête de la justice suisse, dans la mesure où le Comité d'éthique de la FIFA avait réagi par rapport à l'enquête de la justice suisse.?» Le camp Platini n'a donc pas encore décidé de la suite des opérations, et Maître Solari préfère laisser son client savourer. «?De toute façon, une révision devant le Tribunal arbitral du sport serait compliquée, car la décision initiale ne vient pas de lui, quant au recours interne devant la FIFA, ce serait un combat perdu d'avance car on serait à nouveau jugé par le Comité d'éthique. Dans un temps si court, un an, c'est perdu d'avance. Le mieux, le plus juste, c'est qu'il lève la sanction spontanément.?» Ce qui ne préjugerait pas d'une future candidature de Platini, car «?il a surtout lutté pour prouver sa bonne foi, et il ressort de ce combat un peu dégoûté par la situation. Il y a clairement eu une volonté concertée de lui nuire, et cela a réussi grâce à une très grande médiatisation. Sepp Blatter l'a récemment rappelé au Monde, la dénonciation est partie de Marco Villiger, son ancien directeur juridique... Difficile de ne pas y voir une manoeuvre pour le tuer politiquement.?» Trois ans après les faits, Michel Platini a autant d'années d'une carrière de dirigeant qui pourrait ne jamais reprendre, sauf si - merci Monsieur Blatter pour l'explication - «?les fédérations nationales demandent un report du congrès électif ou, si l'actuel président de la FIFA est réélu, remettent en cause cette réélection et demandent la tenue d'un congrès extraordinaire après octobre 2019 et la levée de la suspension de M. Platini.?» La solution qui viendrait de l'homme à l'origine de sa chute, un paradoxe de plus dans le cas Platini.