Benjamin Stora lors d'un de ses séjours à Constantine L'initiative de cet hommage revient à ses anciens doctorants - Naima Yahi, Marie Chominot, Tramor Quememeur directement impliqués dans son organisation C'est sous l'égide du président de la République française et en présence du maire de Marseille, de la ministre de l'Enseignement supérieur, de l'ambassadeur de France à Alger, que s'est ordonné l'hommage au professeur Benjamin Stora à l'occasion de son départ à la retraite, une retraite actée, en vérité, depuis quelques années déjà. L'initiative de cet hommage revient à ses anciens doctorants - Naima Yahi, Marie Chominot, Tramor Quememeur directement impliqués dans son organisation - qui avaient tenu à donner tout le lustre à une reconnaissance dûment adoubée par les plus hautes autorités de l'Etat. C'est le prestigieux Muceum de Marseille qui a accueilli, jeudi 31 mai, un public nombreux et les invités de qualité où dominaient sans surprise les figures établies de la recherche historique comme Jean-Charles Jauffret, Henri Ruscio,Catherine Coquery Vidrovitch, ou encore James Mc Dougall ou Tod Shepard. Aux côtés d'Alice Cherki, Nacer Kettane, patron de Beur FM TV, Jacques Pradel, président de l'association des pieds-noirs progressistes, Driss Yazimi, militant des droits de l'homme, les universitaires algériens Hadj Méliani, Aissa Kadri, Malika Rahal, Abdelmadjid Merdaci, Hassen Remaoun, ont largement pris part à l'hommage. Il était revenu à Benjamin Stora de clore la rencontre sa «leçon d'histoire» par un retour sur son itinéraire de chercheur, ses engagements militants qui avaient aussi rebondi sur les quatre tables rondes, qui des apports de l'historien à ses rapports à la culture, aux institutions, entre autres, avaient balisé l'hommage. Un pionnier Le natif de Constantine, actuellement en charge de la présidence du conseil d'administration du musée de l'histoire de l'émigration, avait été dans les années soixante dix, l'un des premiers chercheurs à investir le terrain algérien en consacrant sa thèse de doctorat à Messali Hadj, fondateur de l'Etoile Nord Africaine et du Parti du peuple algérien (PPA). A la différence de nombre d'historiens de sa génération Benjamin Stora aura développé, tout au long de sa carrière, un réel vécu algérien. Il retournera à Constantine au début des années quatre-vingt et quasiment fait le tour de l'Algérie dans le cadre des colloques où il était convié qui l'amènera notamment à Khenchela berceau de la famille Stora. IL est sans doute difficile de revenir dans le détail sur l'ensemble d'une oeuvre riche mais certains ouvrages ont été des marqueurs à la fois de l'orientation du chercheur même et plus largement du débat historique sur la question algérienne. La parution en 1985 du «Dictionnaire des militants nationalistes algériens» qui remettait le sujet au principe de l'action politique consacre une évolution décisive de Benjamin Stora dans sa quête du sens de l'histoire. «La gangrène et l'oubli»,publié en 1991 suscitera nombre de controverses sur le statut de la mémoire comme objet de la recherche historique. Considéré désormais comme un ouvrage de référence «La gangrène et l'oubli» devait aussi baliser l'intérêt de l'auteur pour l'image et l'imaginaire qui se concrétisera par des contributions remarquées dans le cinéma. Il fut ainsi conseiller historique d'«Indochine» chef-d'oeuvre de Régis Warnier et auteur de documentaires notables comme «Les années algériennes» ou encore «La déchirure». La place de l'émigration La notoriété de l'historien et sa pugnacité sur les plateaux de télévision français - qui lui valurent de sérieuses menaces de mort des nostalgiques de l'Algérie française et de l'ex-FIS - ont sans doute masqué l'importance de ses travaux sur l'émigration algérienne qui fera l'objet de sa thèse d'Etat en sociologie et d'une publication en livre de poche. L'historien peut-il prendre sa retraite? Sans y répondre formellement, Benjamin Stora a proposé dans une autobiographie en deux tomes - «La dernière génération d'octobre» et «Mai 68 et après» - des jalons sur ses itinéraires militants et citoyens et il est remarquable qu'une partie de ses dernières productions revienne sur une enfance algérienne et le statut du judaïsme algérien. «Les clés retrouvées» mêlent le regard averti de l'historien à l'émotion d'une enfance constantinoise dans une proximité affirmée avec la communauté musulmane de la médina. S'il a pu y avoir un fil rouge tout au long d'une journée d'hommage marquée par l'émotion, la densité des échanges et témoignage ce serait sans conteste l'Algérie dont l'ombre portée aura ponctué les appels à la reconnaissance des crimes coloniaux et au rapprochement des peuples algérien et français. Le mérite en revient à Benjamin Stora et cela n'a pas échappé au consul général d'Algérie à Marseille venu le saluer au nom de l'ambassadeur d'Algérie à Paris. Il n'est pas possible de faire l'impasse, à ce sujet, sur les réactions qu'a suscitées la tenue de cet hommage dans les rangs des nostalgiques de l'Algérie française et de l'OAS. Sur les réseaux sociaux c'est un véritable déferlement de haine,d'injures qui stigmatisaient «l'historien du FLN». Le fait n'est pas nouveau et ce n'est pas l'auteur d' «Une guerre sans fin» qui s'en étonnera.