L'artiste plasticien nous plonge dans le passé d'un pays meurtri... La galerie Arts en liberté sise à Panorama (Kouba) entame fraîchement son entrée par l'organisation d'une exposition d'arts plastiques intitulée Réminiscences de Lazhar Hakkar. Ceci entre dans le cadre du cycle «Quatre saisons en art» comme prévu par le programme du calendrier de la galeriste Wahiba Adjali qui insiste pour nous faire savoir que cet espace est ouvert à tous et non pas destiné à certaines couches précises de la société. En effet, dit-elle, «Ce sont les enfants du quartier qui ont inauguré l'expo». Parlant de cette dernière, Wahiba Adjali, qui a choisi en commun accord avec l'artiste de lui donner un nom générique, dira qu'en «étudiant ses oeuvres je me suis rendu compte que c'était des illuminations, des réminiscences d'événements qui ont marqué son pays et qui l'occupent, lui, qui le préoccupent et qui continuent à l'habiter. Il ne s'est pas débarrassé des souvenirs de son pays et de ce qui s'est passé». En effet, les peintures de Hakkar, que l'on peut admirer sur les cimaises de la galerie Arts en liberté, s'apparentent à des flashs qui sont dans sa tête à propos d'une situation qu'il avait laissée dans son pays quand il est parti en Tunisie. Déclinées sous différents formats, les oeuvres de Hakker se présentent dans une optique semi-abstraite, semi-figurative, dévoilant des spectres ou des silhouettes d'hommes, peints dans les tons sombres. Des ombres jaillissent des tableaux et des visages comme ensevelis par la terre. Certainement, tous ces gens qui ont été brusquement happés dans le temps mais dont le fantôme ou le souvenir reste encore vivace dans notre mémoire. Réalisées entre 2000 et 2002, ces peintures jusque-là cachées, l'artiste a décidé de les montrer à son public par «honnêteté intellectuelle», voulant exprimer par là «un sentiment, un mal, une douleur, sur le plan existentiel d'un pays», avoue-t-il. Cette expo fait suite à Regard de nuit, des dessins qui ont sillonné Milan après avoir été accrochés sur les murs du Musée des beaux-arts d'Alger. «Mon plaisir, souligne l'artiste peintre, se situe au niveau du langage de fabrication de mes toiles et non après. Le reste n'est que philosophie sans importance». Mémoire en balade, Profil éclairé, Moi et mon fils, C'est un autre, Nuit de l'Africain, Miroir, C'est lui, Ils reviennent, Silhouette verte, Ils sont cinq sont autant de titres évocateurs sur l'histoire des hommes et leur portée symbolique. L'artiste, fantaisiste autant que prolixe, direct dans ses propos, s'est même essayé à une installation originale, en peignant des visions sur une glace où l'on peut clairement discerner des visages, des bouches et deux clans de personnes... de façon à se demander si on pourrait nous avaler comme une bouchée de poisson... Excentrique par moment, dérangeant ou spontané, l'artiste n'est pas indifférent pour autant à l'intérêt général des artistes et des préoccupations des responsables des galeries qui, eux peuvent définir la fonction de l'artiste, car en contact direct avec ses problèmes.... Né le 13 décembre 1945 à Khenchela, le plasticien Lazhar Hakkar compte de nombreuses expositions personnelles et collectives. Il a édité par ailleurs quatre beaux livres dont deux en lithographie, intitulés Lumière et A la source et un autre sur la sérigraphie intitulé Les enfants aux coeurs. «Il faut savoir percer le rideau des signes comme on traverse la foule pour arriver jusqu'à Hakkar, l'artiste, l'homme. Il va sur son support, lance sa base puis revient comme on remonte le fleuve et grave ses repères comme des scarifications pour marquer son passage et son appartenance. Près de lui, veille toujours la femme assise près de la source. Celle de l'inspiration originelle. On la trouve silencieuse et présente au détour d'une esquisse, d'une peinture. Deux petits signes minuscules et voilà la femme au chien. Une autre celle-là... Il amasse ses multitudes de vies et en fait de grandes étendues. L'oeuvre de Lazhar Hakkar est ample, symphonique. Elle se suffit à elle-même», raconte Wahiba Aboun Adjali..