Un hommage a été rendu à ce maître du signe en présence de son épouse Nadjet Khadda lors du vernissage... Patrimoine et mémoire est le thème choisi cette année par la galerie Arts en liberté de Kouba, pour marquer le mois du patrimoine. Une démarche qui s'inscrit dans la continuité de ses activités outre l'organisation d'exposition d'arts plastiques. Pour rappel, l'an dernier, des projections de films ainsi que plusieurs conférences ont été animées pour souligner et mettre l'accent sur notre patrimoine en péril et nos sites archéologiques à l'abandon... Depuis mercredi dernier, la galerie Arts en liberté a choisi de marquer cet événement mensuel en rendant hommage à l'artiste Mohamed Khadda en organisant une exposition regroupant une importante partie de ses gravures. «C'est quelqu'un que j'ai connu. Je l'ai vu travailler et j'en garde un souvenir en tant qu'artiste. De plus, cette exposition se veut comme rappel de sa mémoire aux jeunes d'aujourd'hui pour que cette dernière ne s'efface pas. Il faut voir ce qu'a laissé ce très grand artiste qui fait tout de même partie, aux côtés d'Issiakhem et Baya, de ceux qui ont inversé les choses en matière d'arts plastiques algériens. C'est-à-dire qu'il a su ramener de nouvelles formes des arts plastiques en rompant avec cet orientalisme de bon ton qui nous était accordé par le passé. Il a révolutionné la forme et la technique en travaillant sur le signe. Il a su tirer une expérience artistique de son travail à l'imprimerie...», nous a confié Mme Wahiba Adjali. Présente à ce vernissage, Mme Nadjet Khadda, évoquera la part importante que l'artiste accordait à la gravure, même si dit-elle, «il est connu essentiellement par sa peinture». Et de souligner: «Le support sur lequel il gravait le plomb, c'est sa conception, parce que traditionnellement la gravure se fait sur bois, sur pierre, sur cuivre... Il a fait toute une cuisine personnelle, en mélangeant plusieurs matériaux pour obtenir la consistance du métal souhaité». Mme Nadjet Khadda se souvient de l'artiste comme étant un homme extrêmement exigeant. «Il n'a jamais accepté le compromis dans son travail. Quand quelque chose lui paraissait imparfaite, il ne le montrait pas. Il était capable de détruire des choses qui étaient bien avancées mais qui, à ses yeux, présentaient des imperfections. Lorsqu'il s'agissait d'une aquarelle il la déchirait et il reprenait à zéro. Il n'aimait pas accumuler les brouillons. Par contre, la gravure, il revenait dessus, après plusieurs tirages. Il pouvait laisser une gravure reposer pendant plusieurs mois et puis revenir dessus. C'est lorsqu'il n'était pas content qu'il biffait la matrice», confie-t-elle. Dans un style abstrait minimaliste, les oeuvres de Mohamed Khadda sont ainsi exposées dans toute leur splendeur ocre et bleue. Né en 1930, Mohamed Khadda a commencé à travailler comme maquettiste en 1946. En 1947, il signe sa première aquarelle et peinture. Il se lie avec Abdallah Benanteur. En 1953, il arrive avec ce dernier à Paris. Il est typographe et maquettiste dans différentes imprimeries. Il fréquente, le soir, l'Académie de la grande chaumière à Montparnasse. Un an après, il se lie avec Mustapha Kaïd, Mustapha Kateb et Kateb Yacine, milite pour l'indépendance de l'Algérie. Un an plus tard, il participe à des salons et expositions collectives. En 1961, il anime sa première exposition personnelle. Puis deux ans après, il rentre en Algérie. Il est maître imprimeur à Blida puis à Alger. Il est aussi maquettiste et secrétaire de rédaction de plusieurs revues El Djeïch, Jeunesse, Novembre. Il entame sa première exposition personnelle à Alger. L'année d'après, Mohamed Khadda est membre fondateur de l'Unap (Union nationale des arts plastiques). En 1972, il abandonne l'imprimerie pour se consacrer à la peinture et réalise plusieurs affiches et sigles. Il est, six ans après, sous-directeur au ministère de l'Information et de la Culture, responsable des arts plastiques. Un an après, il réalisera de nombreuses gravures et dessins pour plusieurs recueils de poèmes. En 1981, il crée une sculpture monumentale pour la ville de M'sila. En 1985, il présentera ses gravures lors de nombreuses expositions simultanées à Oran, Annaba, Tizi Ouzou, Alger et Constantine. En 1989, il participe à la constitution des sections algériennes de la Ligue des droits de l'Homme et d'Amnesty International. En 1990, il est membre du Conseil national de la culture. Un an plus tard, il meurt des suites d'un cancer. On ne lui compte pas ses nombreuses expositions entre l'Algérie et l'étranger, personnelles et collectives, sans oublier ses participations à différents salons d'arts plastiques. Mohamed Khadda est vraiment un artiste à (re)découvrir. Ses oeuvres sont intemporelles. On n'a pas cessé de déchiffrer le signe. Le sien est un puits d'imagination, nécessaire d'y plonger dedans. L'exposition se tient jusqu'au 28 avril. Les oeuvres de Khadda ont été classées en 1991 patrimoine national par le ministère de la Culture. Jeudi prochain, la galerie Arts en liberté organisera une rencontre autour de Khadda, l'homme et son oeuvre.