L'arme nucléaire, un argument massu Pour Donald Trump, la dénucléarisation fera bien l'objet de vérifications, et les sanctions contre la Corée du Nord restent en vigueur tant que la «menace» des armes atomiques n'aura pas été levée. Les télévisions du monde entier ont retransmis hier matin les images de Donald Trump et Kim Jong-Un affichant leur bonne entente au cours d'un sommet historique qui a abouti à la signature d'une Déclaration finale, même s'il n'y a pas eu de percée majeure sur l'arsenal nucléaire de la Corée du Nord. Il y eut d'abord la poignée de main, forte, chaleureuse et prégnante entre les deux hommes qui échangeaient, deux mois plus tôt, des invectives à foison. Signe que les choses ont vraiment changé, l'un et l'autre ont rivalisé d'amabilité pour bien montrer que des progrès tangibles ont été accomplis même si la question de la dénucléarisation ne semble pas avoir répondu aux attentes des Américains. Patient et méthodique, le président Trump a tenu à préciser que le processus va commencer «très rapidement», passant outre la formulation de la Déclaration commune plutôt vague, notamment en termes de calendrier. Le fait est que les discussions vont se poursuivre dès la semaine prochaine, des engagements précédents de Pyongyang figurant dans le document mais sans mention du caractère «vérifiable et irréversible» du processus de dénucléarisation. Pour Donald Trump, la dénucléarisation fera bien l'objet de vérifications, et les sanctions contre la Corée du Nord restent en vigueur tant que la «menace» des armes atomiques n'aura pas été levée. Néanmoins, en échange du nouveau geste du président Kim qui annonce la destruction prochaine d'un site de tests de missiles balistiques, Trump concède une fin prochaine des exercices militaires conjoints avec la Corée du Sud. Une exigence ancienne de la Corée du Nord qui traduit l'ambiance conciliante dans laquelle s'est déroulé le sommet. Kim Jong-Un dit avoir «tourné la page du passé» et surmonté de «nombreux obstacles» pour parvenir à ce moment qui est «un bon prélude à la paix». Quant à Donald Trump, il y voit une «relation très spéciale» construite avec le dirigeant nord-coréen et, tout sourire, il n'a pas tari d'éloges à l'égard de Kim Jong-Un, «très talentueux» et «très bon négociateur», lui distribuant des superlatifs d'habitude réservés à ses alliés. Le président américain s'est dit prêt à se rendre, «le moment venu», à Pyongyang, et à inviter son homologue nord-coréen à la Maison-Blanche. C'est là une incontestable victoire pour Kim Jong-Un, qui obtient grâce à ce face-à-face avec le président Trump une posture internationale jamais atteinte jusque-là. Trump et Kim se sont entretenus pendant près de cinq heures, d'abord lors d'un tête-à-tête d'une quarantaine de minutes, suivi d'une réunion de travail puis d'un déjeuner. Les observateurs disaient craindre le manque d'expérience du président américain dans ces joutes diplomatiques mais au final, le sommet est considéré comme un succès peut-être relatif mais avéré, au vu des énormes enjeux qu'il recelait. Kim Jong-Un dont c'était la première visite officielle en dehors de la Chine a marqué les esprits par sa décontraction depuis son arrivée à Singapour, s'offrant une spectaculaire virée nocturne dans un parc de loisirs. L'arsenal nucléaire nord-coréen aura lourdement pesé en toile de fond des discussions ainsi que l'impressionnante série de sanctions décidées par l'ONU depuis des années. Si Kim Jong-Un a paru renoncer, au moins formellement, à cette assurance-vie du régime, le président américain a pris, de son côté, personnellement et solennellement l'engagement d'offrir à Pyongyang «des garanties de sécurité» qui, dit-on à Washington, seront «uniques» et «différentes» de celles proposées jusqu'alors. On le voit bien, les deux pays ont sans doute franchi le premier pas mais il leur reste à parcourir un chemin où les embûches et les difficultés sont nombreuses, même si le ton est à l'optimisme dans les deux camps. Les principaux points de la Déclaration finale Le président américain Donald Trump et le dirigeant nord-coréen Kim Jong-Un ont signé une Déclaration commune, hier, à l'issue de leur sommet historique à Singapour.Le document qualifié d' «important» et «complet» par Donald Trump et «historique»par le leader nord-coréen, contient quatre points essentiels pour l'instauration d'une paix durable dans la péninsule coréenne. - Dans le premier point, les Etats-Unis et la Corée du Nord s'engagent à établir de nouvelles relations, conformément à la volonté de paix et de prospérité des peuples des deux pays. - Quant au deuxième point, ils ont décidé d'associer leurs efforts pour bâtir un régime de paix durable et stable dans la Péninsule coréenne. - Sur le troisième point, la Corée du Nord s'engage à travailler à une complète dénucléarisation de la Péninsule coréenne, selon l'esprit de la Déclaration de Panmunjom du 27 avril 2018 lors de la rencontre intercoréenne. - Pour le quatrième point, les Etats-Unis et la Corée du Nord s'engagent à restituer les restes des prisonniers de guerre et des portés disparus au combat, avec un rapatriement immédiat de ceux déjà identifiés. Les réactions Corée du Sud: l'accord de Singapour met«fin à la Guerre froide» Le président sud-coréen Moon Jae-in a salué hier l'accord de Singapour comme un «évènement historique ayant mis fin à la Guerre froide». «L'accord de Santosa du 12 juin restera dans l'Histoire mondiale comme un évènement ayant mis fin à la Guerre froide», a déclaré Moon. Le Premier ministre japonais salue «un premier pas» Le Premier ministre japonais Shinzo Abe a salué hier l'accord sur une dénucléarisation de la péninsule coréenne, y voyant un «premier pas».»A travers ce sommet USA-Corée du Nord, l'intention du président Kim Jong Un de voir une dénucléarisation complète de la péninsule coréenne a été confirmée par écrit. Je soutiens ce premier pas vers une résolution d'ensemble des questions «, a déclaré M. Abe. Pékin salue le début d'une «nouvelle histoire» La Chine a salué hier le sommet de Singapour, qui constitue «le début d'une nouvelle histoire». «Aujourd'hui, le fait que les plus hauts dirigeants des deux pays soient assis côte à côte, pour des pourparlers d'égal à égal, a un sens important et constitue le début d'une nouvelle histoire», a déclaré le ministre chinois des AE, Wang Yi. «La Chine s'en félicite et apporte son soutien», a-t-il ajouté, car «il s'agissait d'un objectif que nous avons espéré et pour lequel nous avons travaillé». Moscou: «Un pas important» «Nous ne pouvons que saluer le fait qu'un pas en avant important a été fait. Bien sûr, le diable est dans les détails et nous devons regarder concrètement. Mais l'impulsion, pour ce que nous comprenons, a été donnée», a déclaré le vice-ministre russe des AE, Sergueï Riabkov. «Nous pensons que plus il y a de chances en faveur d'un règlement des problèmes par la voie des négociations (...) le mieux c'est». «Il ne s'agit pas seulement de la situation en Asie du nord-est, mais de la stabilité mondiale», a-t-il affirmé. Paris: «Un pas significatif», «sans oublier l'Iran» Le document signé par Donald Trump et Kim Jong Un est un «pas significatif», a salué hier la ministre française des Affaires européennes, Nathalie Loiseau, doutant «que tout ait été atteint en quelques heures». Elle a regretté le «double standard appliqué par Washington». L'accord nucléaire conclu avec Téhéran «est respecté par l'Iran», alors que «signer un document avec Kim Jong Un qui est allé jusqu'à obtenir l'arme nucléaire, c'est pratiquement récompenser quelqu'un qui a été à l'encontre de tous les traités internationaux», a-t-elle estimé. L'UE salue «une étape capitale et nécessaire» L'Union européenne a salué hier le sommet comme une «étape capitale et nécessaire» vers une dénucléarisation de la péninsule coréenne. «L'objectif ultime, partagé par l'ensemble de la communauté internationale et exprimé par le Conseil de sécurité des Nations unies, demeure la dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible de la péninsule coréenne. La déclaration commune signée aujourd'hui indique clairement que cet objectif peut être atteint», s'est félicitée Federica Mogherini.