le président tunisien Béji Caïd Essebsi Un rapport de 200 pages a été remis, la semaine passée, au président Béji Caïd Essebsi, dont des projets de lois prêts à être soumis à l'Assemblée tunisenne. Un collectif d'associations tunisiennes a appelé hier, les autorités à «tout mettre en oeuvre» pour adopter des réformes majeures en matière d'égalité hommes-femmes et de liberté individuelles récemment proposées par une commission présidentielle. Dépénalisation de l'homosexualité, égalité entre hommes et femmes dans l'héritage, abolition de la peine de mort et nombre d'autres mesures ont été proposées le 8 juin par la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe). Instituée l'été dernier par le président tunisien Béji Caïd Essebsi, la Colibe a pour mandat de mettre les lois tunisiennes en phase avec les valeurs inscrites dans la Constitution de 2014, adoptée après la révolution populaire qui avait mis fin en 2011 à des décennies de dictature dans ce pays du Maghreb. Une trentaine d'ONG, dont la Ligue tunisienne des droits de l'homme, l'Association tunisienne des femmes démocrates ou encore Avocats sans frontières, ont appelé le président à «faire droit aux espérances suscitées» par la Commission en «donnant suite à ses recommandations». Ils ont également appelé les élus, la justice et les fonctionnaires à «tout mettre en oeuvre pour réaliser ces orientations,» dans un communiqué de presse commun. La Colibe a remis la semaine passé au président 200 pages de propositions, dont des projets de lois prêts à être soumis à l'Assemblée. Le collectif apporte son soutien aux mesures prônant «l'égalité parfaite et effective entre les femmes et les hommes», comme l'octroi de la nationalité aux époux des tunisiennes, «l'égalité parfaite et effective entre tous les enfants y compris ceux nés hors mariage», ou encore l'abrogation des délits «d'atteintes aux bonnes moeurs».Les associations regrettent néanmoins que pour certaines réformes, la Colibe ait proposé des alternatives, au cas où l'abrogation recommandée de mesures liberticides ou discriminatoire s'avère trop épineuse. Elles réclament ainsi «une abrogation pure et simple de la peine de mort, de l'article 230 du Code pénal incriminant l'acte homosexuel», et «des dispositions contraires à l'égalité stricte entre hommes et femmes en matière successorale». La législation tunisienne actuelle, qui s'appuie sur le Coran, stipule qu'une femme n'hérite que de la moitié de la part d'un homme du même degré de parentèle. La Colibe a proposé une égalité de principe entre frères et soeurs, fils et fille, père et mère, ainsi qu'entre époux, avec la possibilité d'y déroger. Elle a également prévu des alternatives s'il était impossible de voter une telle loi. Le rapport souligne pour justifier cette proposition que la société tunisienne a beaucoup changé, et que la femme partage elle aussi les charges financières de sa famille, rendant caduque la priorité accordée aux hommes en tant que pourvoyeur. Ces sujets sont sensibles en Tunisie, où l'homosexualité reste réprouvée. L'égalité successorale, présentée par certains comme contraire au Coran, créerait si elle était adoptée, un précédent dans le monde musulman. Malgré les réformes introduites après l'indépendance du pays en 1956, notamment le Code du statut personnel, «à certains égards, (les lois) n'ont pas suivi les profonds changements dans la structure sociale». «C'est important qu'on s'intéresse à ces changements et qu'on institue des nouvelles lois qui aident les femmes actives et leur permettent de s'intégrer d'une manière équitable dans la société tunisienne», souligne encore le rapport.Le texte propose également une «abolition totale» de la peine de mort, ou à défaut sa limitation aux seuls crimes ayant abouti à un décès, tout en excluant, selon les conventions internationales, les condamnés mineurs et femmes enceintes. Des condamnations à la peine capitale continuent à être prononcées en Tunisie alors que le pays observe un moratoire sur les exécutions depuis 1991. La loi antiterroriste adoptée en juillet 2015, après deux attentats jihadistes meurtriers, a maintenu la peine capitale.