Un semblant de retour au calme a été enregistré, hier à Abidjan, mais la situation demeure tendue. L'explosion de violence qui a secoué la Côte d'Ivoire samedi et hier, et dont les ressortissants français en ont été les premières cibles, n'est en fait que la résultante du climat malsain qui règne dans le pays en dépit du cessez-le-feu, certes jusqu'à ces derniers jours observé par les deux parties, instauré par les accords de Marcoussis (France) signés en janvier 2003 par des deux parties belligérantes ivoiriennes, le gouvernement de Laurent Gbagbo et les rebelles du nord qui contrôlent la moitié du pays. De fait, le feu couvait sous la cendre et la moindre étincelle pouvait le rallumer. Cette étincelle est venue, samedi, de l'attaque par l'aviation ivoirienne d'une position rebelle près de Bouaké dans la partie contrôlée par l'opposition. Toutefois cette attaque, du fait d'une erreur affirment les autorités ivoiriennes, a touché de plein fouet le camp de positionnement des troupes françaises stationnées sur la ligne de démarcation, tuant neuf soldats français et en en blessant 38 (dernier chiffre communiqué par la ministre française de la Défense, Mme Alliot-Marie. La riposte française a été immédiate et sans demi-mesure, le président français, Jacques Chirac, ordonnant à l'armée française stationnée en Côte d'Ivoire de détruire l'aviation ivoirienne. Ce fait d'armes a déchaîné des émeutes anti-françaises à Abidjan, la capitale économique ivoirienne, avec, au bout, la chasse aux Français lesquels, aux dires des agences de presse françaises, ont vécu «l'enfer». Cependant sous la pression de la communauté internationale et du Conseil de sécurité de l'ONU, le président ivoirien a dû lancer, dimanche soir, un appel au calme à la population abidjanaise. Hier, un semblant de calme est revenu dans la grande métropole ivoirienne, mais la situation demeure tendue et les uns et les autres sont sur le qui-vive. Cette flambée de violence soudaine indique en fait que la crise ivoirienne, -ouverte par le coup d'Etat du général Robert Gueï en 1999 qui a entraîné le départ du président Henri Konan Bédié-, demeure intacte malgré le cessez-le-feu jusqu'ici observé. En fait, la Côte d'Ivoire est coupée en deux depuis l'insurrection de militaires rebelles en septembre 2002. Depuis, il y a deux pouvoirs de fait et le gouvernement du président Gbagbo ne contrôle que le sud du pays autour de la capitale Yamoussoukro et Abidjan. Si la situation s'est envenimée ces derniers jours, cela est dû au fait que le gouvernement ivoirien exige des rebelles de désarmer alors que ces derniers accusent le président Gbagbo de n'avoir pas rempli l'ensemble des conditions de l'accord de Marcoussis qui a permis l'instauration d'une trêve. La situation en Côte d'Ivoire était suffisamment grave pour que le Conseil de sécurité se réunisse dimanche en urgence à la demande de Paris. Une résolution était, hier encore, à l'étude au niveau des experts au Conseil de sécurité. Selon l'ambassadeur de France auprès des Nations unies, Jean-Marc de La Sablière, cette résolution prévoit des sanctions contre Yamoussoukro, par l'imposition de «mesures individuelles et collectives» à l'égard de la Côte d'Ivoire, -et certains responsables des deux parties belligérantes-, «y compris un embargo sur les armes». La France tente depuis samedi d'expliquer son intervention musclée en Côte d'Ivoire, les responsables français se relayant pour dire, à l'instar du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, que la France «défend (en Côte d'Ivoire) l'Etat de droit» et ne veut pas «déstabiliser» le pays, malgré l'attaque «délibérée» contre les forces françaises ajoute le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier. Les Français tentent ainsi de calmer le jeu, au moment où, les responsables ivoiriens totalement remontés contre la France, qui «occupe» la Côte d'Ivoire, élèvent le ton comme le président de l'Assemblée nationale, Mamadou Coulibaly, qui accuse Paris d'avoir «armé les rebelles» promettant «une résistance farouche» et que la Côte d'Ivoire devienne un «Vietnam» pour la France. Pour sa part, le président du Front Populaire Ivoirien (FPI, parti du président Gbagbo) Pascal Affi N'Guessan, tout en demandant à la France de retirer ses forces de Côte d'Ivoire, a appelé, dimanche, la population d'Abidjan de «descendre massivement dans les rues» jusqu'à «la libération et la réunification de notre pays». Au plan international on s'active à calmer les esprits. C'est dans ce sens que l'Union africaine, dans l'optique de circonscrire le conflit inter-ivoirien, a appelé, dimanche, «toutes les parties à cesser les hostilités et à cesser les attaques» estimant que la situation dans ce pays est «dangereuse», a mandaté le président sud-africain Thabo M'beki pour assurer une médiation entre les deux camps. M.M'beki rejoindra la Côte d'Ivoire dans les prochains jours ont indiqué des sources proches de la présidence sud-africaine. En fait, l'urgence de l'heure est de rétablir le calme et la sécurité de la population ivoirienne et des communautés étrangères travaillant dans ce pays comme l'indiquent les multiples appels en ce sens.