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Sur les traces de Kamel El Boucher
L'EXPRESSION A ENQUÊTE AUPRÈS DES CITOYENS QUI L'ONT CÔTOYE
Publié dans L'Expression le 04 - 07 - 2018

Un témoin de ce vieux quartier se rappelle de l'installation de Kamel le Boucher pour la première fois face à la station de l'Etusa de façon illégale
Les témoignages que nous avons récoltés auprès des gens qui habitent le quartier où les Chikhi vivent, affirment que «Kamel Chikhi est connu pour son appartenance au parti de Nahnah, et ça ne date pas d'aujourd'hui, ça remonte à des années», précise Hakim, un habitant du quartier.
L'affaire des 701 kilos de cocaïne a provoqué un «séisme» politique sans précédent au sein de la classe politique. Les dessous de ce scandale du siècle n'ont épargné aucun espace de la société, tout le monde se met à l'heure de cet événement qui a défrayé la chronique.
Au-delà de l'affaire du point de vue judiciaire et loin de ses conséquences politiques et ses décantations qui n'en finissent pas, nous voulons relater le cas avec un regard proche de la vie et les avis des gens qui ont connu celui par qui le scandale est arrivé, à savoir Kamel Chikhi dit «le Boucher». Qui est ce personnage? Comment a-t-il pu atteindre le «firmament» de cette «gloire» en un temps record, alors qu'il n'a que 40 ans?
Toutes ces questions ne s'inscrivent pas dans un processus visant à établir les faits et essayer de trouver des réponses quant à la responsabilité juridique sur l'affaire de 701 kilos de cocaïne qui a sillonné les océans du monde et la mer Méditerranée pour atterrir au port d'Oran. Nous avons jugé utile de nous rapprocher de l'entourage de celui qui est devenu source à matière dans les médias nationaux et internationaux. Faire parler des gens via des témoignages sur la vie de ce milliardaire, voire un richissime de la place d'Alger. Il faut reconnaître que ce n'est pas une mince affaire d'aborder ce volet qui a trait à Kamel Chikhi qui a commencé sa carrière en travaillant avec son père dans le petit local commercial en sa qualité de vendeur de viande. D'ailleurs, ce qualificatif qui s'est transformé en un sobriquet pour désigner son nom à savoir «Kamel le Boucher» l'a toujours accompagné, la preuve que le scandale des 701 kilos du cocaïne a été estampillée du sceau de ce sobriquet, «Le Boucher».
Une montée fulgurante
L'itinéraire de Kamel Chikhi n'est pas du tout reluisant, ce sont les témoignages des gens du quartier de Ben Omar situé dans la commune de Kouba qui rapportent certains faits en rapport avec sa montée en flèche. Kamel Chikhi est venu avec toute sa famille durant les années 90 au quartier précité. Sa pérégrination a fait son chemin à partir de la ville de Lakhdaria, une ville qui dépend de la wilaya de Bouira où son père exerçait l'activité de boucherie. Mais ce métier a été développé par son fils avec plus d'efficacité et de dividendes une fois installé à Kouba. Un témoin de ce vieux quartier se rappelle de l'installation de Kamel le Boucher pour la première fois face à la station de l'Etusa de «façon illégale en squattant l'espace mitoyen avec les gradins du stade Belhadad. C'était là où Kamel Chikhi a fait dans la concurrence avec les bouchers du quartier et même de toute la commune de Kouba. La viande qu'il vendait était moins chère par rapport à celle vendue par les autres bouchers du patelin», affirme notre témoin, Farid habitant la cité El Bahia non loin du quartier de Ben Omar. La famille Chikhi est connue par sa vie comme tous les citoyens lambda, mais surtout par le «squat» de l'espace situé dans un endroit commercial par excellence de par la mobilité qui caractérise le lieu. Le premier pas était déjà franchi d'une «façon illégale», qui lui a permis de s'offrir un local en étant un indu occupant de manière flagrante.
Kamel Chikhi est vu autrement par les habitants du quartier de Ben Omar. Cet homme qui fait parler de lui via les médias et les réseaux sociaux n'est pas aussi connu de cette façon spectaculaire. Les gens de Kouba n'ont pas un avis aussi péremptoire sur la personne du «Boucher» qui est qualifié par certains comme le «Pablo Escobar algérien». Ce qualificatif n'est pas utilisé par ceux qui connaissaient Kamel Chikhi, la raison est simple, l'homme qui est aujourd'hui interpellé dans l'affaire des 701 kilos de cocaïne est vu comme un «moine» par certains.
Parmi les gens qui connaissent de près Kamel Chikhi, Tarek, habitant la cité «Jolie-Vue», non loin de Ben Omar, affirme que «c'est un homme qui avait une relation très ordinaire et très simple. Je le rencontrais avec les autres amis qui s'intéressaient à dénicher des villas et des assiettes foncières pour le compte de Kamel Chikhi afin de les acheter et en faire des immeubles pour habitation et location», et d'ajouter que «l'homme affichait un aspect entreprenant et humain. Il ne refusait pas les sollicitations venant des personnes appartenant aux comités de mosquées dans le but de les aider pour la réhabilitation et la restauration des mosquées. L'exemple de la petite mosquée non loin du siège de la mairie de Kouba témoigne de cet acte de la part de Kamel Chikhi qui a octroyé une somme considérable pour la réhabiliter», affirme Tarek, un habitant de la commune de Kouba et qui a connu de près celui qui est le plus médiatisé aujourd'hui après le scandale des 701 kilos de cocaïne.
Un profil faisant dans la bigoterie
Le nom de Kamel Chikhi est confondu avec le «mécénat», mais c'est un mécénat un peu particulier, celui d'aider dans la construction des mosquées et la réhabilitation d'autres. Les témoignages glanés renseignent sur le fait que Kamel Chikhi est «un abonné de la mosquée. Il ne rate pas les cinq prières quotidiennes. Il rencontre les gens, ils discutent de leurs problèmes, il essaye de voir comment les aider et leur régler leurs problèmes même par la voie de chèques», affirme Hakim, un des habitants qui a eu affaire à Kamel Chikhi. Il était l'abonné présent dans les mosquées, il rencontrait même des personnalités politiques d'un parti islamiste qui se dit modéré. Ces rencontres sont confirmées par les gens qui remarquaient «la présence de certains cadres du MSP avec Kamel Chikhi dans la mosquée de Ben Omar», déclare Hakim qui rappelait ces faits avec une manière très simple et ordinaire. L'obédience de Kamel Chikhi, dit «le Boucher» n'est pas un secret pour les habitants de Ben Omar. Les témoignages que nous avons récoltés auprès des gens qui habitent le quartier où les Chikhi vivent, affirment que «Kamel Chikhi est connu pour son appartenance au parti de Nahnah, et ça ne date pas d'aujourd'hui, ça remonte à des années», précise Hakim. Cette face n'a jamais était cachée par Kamel Chikhi qui voyait que c'était tout à fait normal d'avoir une relation organique avec un parti politique, islamiste de surcroît. Au-delà de l'aspect religieux qu'affichait Kamel Chikhi que notre témoin souligne: «Comme je le connais, Kamel n'est pas quelqu'un qui s'intéresse aux idées, c'est un simple d'esprit. C'est quelqu'un qui affichait une apparence faisant dans l'attachement à sa prière et aimait accomplir des Omra et des pèlerinages quand l'occasion se présentait pour lui. Il a toujours donné l'image d'un homme pieux et religieux», atteste notre témoin, Hakim. Hakim, qui habite non loin de la famille Chikhi s'est arrêté sur une affaire qu'il considère comme une chose qui a un sens révélateur après ce qui vient d'être dévoilé à travers le scandale des 701 kilos de cocaïne où le nom de Kamel Chikhi a paru. C'est l'histoire de sa maman qui n'arrivait pas à retenir dans sa tête le prix de la viande qui se vendait dans le quartier de Ben Omar et qui disait à ce propos: «Mon fils, ce prix de la viande cache quelque chose, ce n'est pas normal par rapport à toutes les boucheries qui existent sur la place. Ce boucher a d'autres rentrées, ce n'est pas avec ce prix qu'il va faire des bénéfices», rappelle Hakim en faisant le lien avec le début de Kamel Chikhi et de ce qu'il est devenu après. Il faut dire que la parcimonie en matière de témoignages se fait sentir, mais beaucoup de ceux qui habitent le quartier de Ben Omar sont unanimes quant à la relation simple et ordinaire que menait Kamel Chikhi et ses rapports avec les gens.
L'immobilier le fait sortir de l'anonymat
L'une des affaires qui poussent les gens du quartier de Ben Omar à s'interroger sur la montée fulgurante de Kamel le Boucher c'est bien l'activité immobilière à laquelle il s'est livrée. Des villas, des parcelles de terrains très cotés à Kouba et la cité Les Sources et Hydra ainsi qu'à Sidi Yahia, étaient les cibles de Kamel Chikhi par excellence. Notre témoin Tarek rappelle que «je connais beaucoup d'amis qui habitaient notre quartier et ont connu une propulsion rapide de leur situation familiale et même personnelle. Ils servaient comme dénicheurs d'assiettes foncières et de villas pour le compte de Chikhi. Cette activité permettait à ces gens d'avoir une contrepartie très alléchante en argent», souligne Tarek. Kamel Chikhi achetait des villas et les démolissaient de fond en comble en un temps record au su et au vu de tout le monde. Il les transformait en des immeubles haut de gamme pour location et autres activités. Les langues qui commencent à se délier dans la cité de Ben Omar parlent de l'APC de Kouba qui était le premier démarrage pour Kamel Chikhi dans le domaine de l'immobilier et le foncier où des «largesses» lui ont été données durant la période des années 2000 selon certains témoignages émanant des habitants qui connaissent bien l'enfant du quartier qui le voyaient monter de façon fulgurante.
L'itinéraire de Kamel Chikhi est somme toute atypique si on se fiait à ses débuts dans le métier de la boucherie qui a été inauguré par des manières scabreuses en squattant un espace le transformant en un petit local de vente de viande à un prix plus que concurrentiel, c'est un prix de vente à perte. Mais ce prix lui a permis de se frayer une voie «royale» vers des contacts et des relations avec des VIP et des hommes politiques, à commencer par les élus de la commune de Kouba et les cadres du Mouvement de la société pour la paix (MSP). Ce sont des rapports qui ont permis à Kamel le Boucher de s'introduire dans le gotha des hommes d'affaires et les «nababs» dans le domaine de l'immobilier jusqu'à ce que l'affaire de la saisie des 701 kilos de cocaïne révèle que le navire qui a été saisi et qui était censé importer la viande surgelée du Brésil, était bourré de cocaïne. Une affaire qui rentre dans les annales et l'histoire du pays. Le personnage de Kamel Chikhi reste énigmatique, c'est un personnage que beaucoup de gens ne veulent pas dissocier de ce qu'il a développé comme comportement en apparence, un homme très bigot, montrant une fibre religieuse très «fine». Le côté énigmatique de sa personnalité laisse les gens crédules et naïfs sur les bords, pantois et peu sensibles à l'affaire dans la mesure où les clichés ont un rôle très dangereux dans le façonnage et le remodelage des scènes et des situations. Il reste que l'affaire des 701 kilos de cocaïne est une expérience très dure pour les politiques et la société dans le sens où les accointances entre le monde des affaires et l'aspect qui se cache derrière la religiosité est avéré comme moyen pour dissimuler une stratégie nuisible et qui s'inscrit dans le sillage du blanchiment de l'argent via l'immobilier en recourant à la filière des narcotrafiquants. L'épisode de Kamel le Boucher permettra de revoir ces clichés et amener les gens à ne pas se fier à l'aspect apparent de la personne. Comme dit l'adage: «Il n'y a pas de fumée sans feu»!!


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