Quatre artistes algérois et quatre artistes lyonnais font le chemin ensemble en partant chacun dans les deux sens. Mais toujours la même passion pour l'art. Beau vernissage que celui que le Centre culturel français a accueilli dans ses murs jeudi dernier. Une exposition grouillante de monde autant que chatoyante, colorée, bigarrée, fantaisiste et amusante par ses objets fantastiques, ses sculptures et ses toiles intrigantes aussi bien que fascinantes que contenait son ventre. Une expo avant tout synonyme de rencontres et d'échanges entre les rives de la Méditerranée. Ce sont quatre artistes algérois et quatre artistes lyonnais qui franchiront dans les deux sens autour d'une expo initiée il y a trois ans à l'occasion de conférences données à l'Ecole des Beaux-Arts d'Alger par Gérard Mathie. Impulsée par le Centre culturel Le Polaris de Corbas, cette initiative avait bénéficié de l'aval d'Aldo Herlaut et du Centre culturel français d'Alger puis de la ville de Lyon pour ainsi prendre son chemin et naître. La voici qui pose ses amarres d'abord à Alger jusqu'au 5 octobre avant de prendre son envol le 14, destination Corbas et Lyon où elle séjournera là-bas jusqu'au 15 novembre. Foisonnement de styles, de tendances et d'objets, sculpture ou installation en tout genre «Des rives», le nom de cette expo, d'emblée, vous plonge dans un monde merveilleux. Des tableaux vous happent derechef le regard, vous attendrissent, d'autres vous laissent perplexes ou pantois. Certaines installations vous décrochent un sourire attendrissant ou des interrogations, d'autres, des grimaces, des supputations, des images grotesques ou fantasques. D'aucuns se parlent avec les yeux «C'est pas mal ça». D'autres: «C'est du n'importe quoi!». L'art c'est aussi cela, la tolérance d'accepter ce qui vient du créateur même si c'est en forme de cochon rose bonbon, des guirlandes qui pourraient servir à Noël ou mieux, pour des fêtes foraines... C'est tout de même original et rivalisant de créativité... le moins que l'on puisse dire. Mais le talent peut-il se mesurer? Si certains font dans le militantisme, d'autres plaident franchement pour la provocation et l'absurde ou même la révolution en la matière, qu'elle soit plastique ou thématique. Ammar Bouras, membre d'Essebaghine, est fidèle à sa démarche. Une technique visuelle mixte où prime la vidéo jouxtée à des textes badigeonnés, pour dire cette fois-ci la torture de la guerre, le rouge contre l'oubli qui entretient la mémoire. La plus jeune des artistes, Rachida Azdaou, nous fait découvrir des visages d'anonymes dont les photographies sont retravaillées de façon à garder cette pâle expression qui, paradoxalement, ne s'efface pas et vous suit, vous interpelle. Claude Couffin vous fait pénétrer le monde fantastique de ses loupiotes truffées de surprises et de malices. Noureddine Ferroukhi, aussi membre d'Essebaghine, reste fidèle à ses fantasmes qui dépeignent une réalité soyeuse au féminin où s'agite une douceur de préciosité. Sylvie Margot plaide pour les bonbons, pour un monde enchanteur, un peu kitch tout de même mais qui donne un coup de fouet sur les idées reçues. Fabien Martinaud est un peu ce souffleur de pureté peignant sur des tissus, des visions bleu, rouge, jaune... «il fait flotter devant les murs des saynètes où l'enluminure côtoie l'interrogation existentielle», confie le commissaire de l'exposition Stani Chaîne. Gérard Mathie nous plonge dans la noirceur d'un monde «nu», presque en décomposition, «piquant», «à poils», déconfiture de l'être où vient guetter autour une mouche sentant la mort. Enfin, Hachemi Mokrane délire avec sa calligraphie où les signes sont soient esthétiques soit littéraux, tout comme cette disposition de «couscous-parabole qui mêle avec ironie deux emblèmes de son pays : le plat familial servi dans le symbole télévisuel», souligne Stani Chaîne.