En compétition officielle au Fiofa Le goût du ciment de Ziad Kalthoum se veut traduire en image la tragédie de ces hommes en exil qui construisent, ironie du sort, des gratte-ciel à Beyrouth alors que leurs maisons en Syrie sont bombardées. Il y a des actualités qui imposent les sujets des films, mais sans se départir de l'aspect esthétique qui fait de ces derniers une raison aussi sérieuse pour les faire programmer dans un festival. Parmi les films en compétition actuellement à la 11e édition du festival d'Oran du film arabe il y a lieu d'attirer l'attention sur le documentaire de Ziad Kalthoum sorti en janvier dernier en France sous le label Aloest Distribution. Il s'agit du film syrien Le goût du ciment. Que voyons-nous? Chaque jour, des ouvriers syriens construisent un gratte-ciel dans le ciel de Beyrouth. Chaque nuit, un couvre-feu leur impose de s'enfoncer dans leurs entrailles de ciment. Au même moment, la guerre détruit leurs maisons, en Syrie. Peu a` peu, les sons et les images de destruction et de reconstruction se mélangent dans une cacophonie onirique: un essai éblouissant sur le sens d'une vie en exil. Un film documentaire oppressant malgré les images d'ouverture et ces plan aériens qui dominent toute la ville de Beyrouth; reste que celle-ci est filmée aussi par des travellings qui soulignent l'apesanteur du temps qui coule et impose son empreinte sur la chair comme l'odeur du ciment sur la peau. Il y a ainsi ce son strident de la machine, de la mécanique, des buldings à perte de vue qu'on construit et puis il y a ces bas-fonds ou habitent ces ouvriers confinés dans ce huis clos comme des cafards. Un homme se souvient de son père parti travailler à Beyrouth, de la photo qu'il ramènera avec lui montrant la mer et puis du goût acre de ce ciment qui ne quittera sa peau d'homme qu'une fois disparu et mort. Les images de ce documentaire sont à la fois belles et étourdissantes par endroits. Le film a cette beauté de l'épure qui transcende le pathos pour vous immerger dans une image subliminale qui rend les choses palpables. Filmer ces images d'informations et de maisons de la Syrie en ruine et les rendre visibles dans le reflet de la pupille d'un ouvrier est juste sublime! Un travail cinématographique d'orfèvre qui tend à souligner encore une fois la maîtrise de l'aspect esthétique du réalisateur tels ces architectes qui font du béton un lieu de vie et d'harmonie avec ces nombreux étages dans cette ville de tous les paradoxes. Une ville où la mort a longtemps côtoyé la vie dans ses gracieux excès pour conjurer la triste boule du désespoir. Des barreaux, des escaliers, des grands murs de béton et puis ce large ciel bleu nous fait voir le réalisateur mais au milieu de tout cela il y a ces hommes qui s'affairent à reconstruire ailleurs ce qu'ils ont perdu chez eux. Ironie du sort. Le film nous introduit paradoxalement dans la tentative de survive de ces hommes au milieu des fentes de lumière, ces brèches de métal qui elles restent debout et fort contrastantes avec la fragilité humaine de ceux-là qui sont sensés les bichonner et les rendre encore plus hauts, plus forts. Et puis, il y a cette lumière fine de l'espoir qui vient de temps en tempos pointer son nez ou celle du petit matin qui permet de rêver à de meilleurs lendemains. Le film a de pertinent en effet sa thématique montrant des ouvriers du bâtiment syriens qui construisent un gratte-ciel alors que, dans le même temps, leurs propres maisons sont bombardées en Syrie. Ainsi sommes-nous plongés dans la réalité amère de ces réfugiés forcés à l'exil pour pouvoir subvenir même de loin à leurs familles sans être sûrs de retourner un jour en Syrie. Un contexte qui met la vie entre parenthèse et laisse place au doute qui ronge l'être sans lendemain, tel ce cadrage qui tantôt s'ouvre et puis se referme, laissant échapper un rayon de soleil, pour se fracasser à nouveau sous cet amas de béton et se diluer dans sa mare... Le goût du ciment, un film fort mais triste...