Le rideau vient de tomber sur le projet de Makri, autant ce dernier vient de faire tomber son masque Makri, l'homme qui se rêve d'être le père du «consensus national», veut ramener l'Algérie trente ans en arrière. Le président du MSP ne semble pas tirer les leçons du passé. C'est dans une Algérie démocratique que Abderezzak Makri appelle à une transition politique, à la formation d'un gouvernement élargi et même à aller à l'encontre de la Constitution en invitant le militaire à se mêler de la politique. Libre au président du Mouvement de la société pour la paix (MSP) de faire le tour des popotes pour tenter de «vendre» son initiative. Libre aux formations politiques de la rejeter. Makri ne les séduit pas. Ce n'est pas important. Ce qui l'est plutôt, c'est le rappel à l'ordre exprimé par Ahmed Gaïd Salah à Makri. Une mise en garde nécessaire. Voire obligatoire. Car, la liberté de l'homme politique s'arrête là où commence la liberté de l'Algérie...des Algériens. En appelant l'institution militaire à se mêler des questions politiques, le président du MSP a franchi la ligne rouge. Il a remis en cause la Loi fondamentale du pays et le droit des Algériens à choisir leurs gouvernants. Abderezzak Makri qui vient de voir toutes les portes se fermer à son projet de «consensus national» ne semble pas être le concepteur de l'initiative. Sinon, comment expliquer que l'élève de Nahnah ait présenté un projet qui n'a trouvé aucun écho ni auprès des partis politiques ni auprès de la société civile? Et pour lequel, il s'est même fait taper sur les doigts par l'institution militaire auprès de laquelle il a, sûrement, dû adresser une demande d'audience qui est restée sans suite. Vraisemblablement, il ne s'agit là que d'un modèle conçu sous d'autres cieux, mais qui ne prend pas en compte la réalité algérienne. Et à ce propos, il n'est pas inutile de rappeler que Makri n'a jamais caché son admiration pour le Turc Recep Tayyip Erdogan qui, à la suite d'un certain consensus entre l'ensemble des forces en présence, a pu prendre en main les destinées de la Turquie pour en faire une puissance économique régionale, mais pas du tout exemplaire en termes de libertés démocratiques. Sous l'influence du modèle turc, Abderezzak Makri s'est empressé de présenter une initiative avant même qu'elle n'obtienne le quitus de son madjliss echoura. Un quitus accordé, faut-il le souligner, après le rejet du projet par la classe politique et le vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah. Mais le soutien accordé par madjliss echoura à son président ne change rien au fait que le rêve de Makri vient de se fracasser face à une réalité algérienne très différente de celle de la Turquie. La défaite ne semble pas être facile à avaler pour Makri. D'ailleurs, la colère le gagnant, a laissé paraître le vrai visage de l'islamiste. L'homme au regard bleu et rieur qui produit, à longueur d'année, un discours modéré afin de préserver son image d'islamiste démocrate et légaliste, est en fait un radical sans concession. Le président du MSP l'a confirmé, avant-hier avec un discours des plus virulents, publié sur sa page facebook. Abderezzak Makri, en commentant, la réaction inconcevable de plusieurs citoyens de Ouargla, qui ont décidé de prier devant le théâtre de Verdure de la ville afin de dénoncer la tenue d'un concert, a intitulé son commentaire: «La conscience des Ouarglis face au courant du délitement et la dissolution des moeurs.» Pour l'islamiste les habitants de la ville ont montré plus d'«intelligence, de conscience et de compréhension» que ceux qui se revendiquent «modernes, laïcs» et qui prétendent «une liberté de pensée». Il affirme que l'action de ces citoyens est un geste «social, politique, culturel et civilisé» qui exprime leur refus à «la politique d'endormissement par des galas» qui visent à faire taire le peuple sur ses revendications réelles de développement, justice et dignité. Pour Makri, les habitants qui ont interdit le gala ont atteint un degré de conscience politique qui leur a permis de faire face à «la politique de privation (jouée) sur un extrait musical». Mieux encore, le président du MSP va jusqu'à dire que «la culture qui nous a libérés du joug colonial par le passé est la même qui va nous libérer de la tyrannie d'aujourd'hui». Ainsi donc, l'homme qui a appelé à un consensus politique avec des partis au pouvoir trouve que l'Algérie et les Algériens doivent se libérer d'une «tyrannie». Makri cherchait donc à faire un consensus avec des «tyrans». Car qui exerce la tyrannie dans un pays, sinon ceux qui gouvernent? Makri, «l'islamiste démocrate», considère que les Algériens qui revendiquent leur droit à la tenue d'un gala appartiennent à un courant du délitement et de la dissolution des moeurs! L'homme qui se présente comme un islamiste modéré soutient une action extrémiste et obscurantiste la qualifiant même d'acte de civisme et de grande conscience politique. Il y a quelques semaines, c'est à Constantine qu'un autre gala a été interdit par des protestataires. Et ces interdictions ravivent de vieux souvenirs, comme quand le FIS dissous avait appelé en 1991 à l'interdiction du gala de Linda de Suza à la salle Atlas de Bab El Oued à Alger. Les autorités avaient alors cédé devant la pression. C'était la porte ouverte à une dérive qui engendrera, quelques mois plus trad, la tragédie nationale avec son lot de sang et de larmes. Et voilà aujourd'hui que l'homme qui se rêve d'être le père du «consensus national» veut ramener l'Algérie trente ans en arrière. Makri ne semble pas tirer les leçon du passé. Ou peut-être que ce «mauvais élève» de Cheïkh Nahnah vient de laisser paraître la face cachée de son vrai visage. Et autant le rideau vient de tomber sur le projet de Makri, autant ce dernier vient de faire tomber son masque.