«Les trottoirs sont de plus en plus occupés par les sans-abri et aucune disposition n'est prise pour les mettre à l'abri». Comme chaque année, le Croissant-Rouge algérien se prépare à aider les sans-abri ainsi que les malades mentaux à survivre en ce mois de Ramadan. La situation est alarmante puisque des milliers de SDF sillonnent nos rues. Ce sont les oubliés de la société, les oubliés de l'Etat, les oubliés de leurs familles. On ne sent leur présence qu'au mois de Ramadan et c'est pour eux une sorte de rendez-vous annuel. Nous retrouvons Mimouna, au boulevard Che Guevara, emmitouflée dans une couverture et protégeant son enfant Samir du froid qui commence à se faire sentir. Elle est là dans ce boulevard depuis deux ans. Elle dormira là cette nuit avec son enfant sous les arcades et elle n'est pas la seule. Un peu plus loin se trouve une mère avec ses deux enfants âgés de quatre et cinq ans. Elle vit là, dans la rue car son mari l'a répudiée. Son travail, c'est la mendicité, «Il le faut bien si je veux que Amine et Maroua aient quelque chose à manger, mais bientôt, ce sera moins pénible, nous aurons de la nourriture au Croissant-Rouge, sinon, nous n'avons rien», nous confie la dame. Ils sont nombreux et nombreuses qui, comme cette dame, dorment dans les rues à même le trottoir et il y en a qui meurent de faim ou de froid. Les pouvoirs publics eux, font mine d'apporter des solutions, mais ils n'ont rien fait de concret, à part quelques actions classiques comme la maïda du Ramadan. Zoubir lui, ne comprend pas qu'on ne puisse pas l'aider ; âgé de 72 ans, il a été chassé par ses enfants, il s'est présenté dans des centres de vieillesse, mais on ne l'a pas accepté. Sans retraite ni aucune ressource, il est condamné à déambuler dans les ruelles de Bab El-Oued et mendier pour se nourrir. Les SDF aujourd'hui n'ont plus d'âge ni de sexe, ils viennent de partout, ils ont tout perdu ou n'ont simplement jamais rien eu. Le Samu social a refusé qu'on suive leurs équipes car il aurait fallu une autorisation de la wilaya, nous a-t-on dit. Il reste bien le Croissant-Rouge mais l'effet de ses actions reste dérisoire dans la rue. Désormais, il y a trop de malheureux et trop peu de moyens, pas de structures spécialisées, quant à la solidarité, l'indifférence a pris le dessus dans le coeur des gens. Mais qui est responsable de cette misère? Personne et tout le monde. Ce mois de Ramadan sera-t- il différent des autres pour ces infortunés? Cette année, le Croissant-Rouge prévoit d'ouvrir 288 restaurants du coeur dans la capitale et fait appel à toute personne qui pourrait se porter volontaire. «Nous avons reçu 2140 personnes de plus de ce que nous avons prévu l'année dernière, je pense que cette année aussi nous aurons des surprises, car le nombre de SDF ne cesse d'accroître» nous confie un responsable du Croissant-Rouge. Une opération « Soupe d'hiver » sera lancée aussitôt après le mois sacré, mais les membres du Croissant-Rouge s'inquiètent. «Nous ne pourrons peut-être pas venir en aide à tous les sans-abri, car leurs besoins ne sont plus les mêmes, nombre d'entre eux sont malades, souvent des bronchites et même des tuberculeux, il nous faut une plus grande aide des hôpitaux», affirme un autre adhérent. N'oublions pas aussi les malades mentaux, ils ne sont pas moins de 650 errant dans la capitale et rien n'a été prévu pour eux ce mois-ci. Il y a bien entendu quelques centres mais ils sont tellement «obsolètes» que les «fous» préfèrent le rude froid de l'hiver et les intempéries! Comment ne pas devenir fou lorsqu'on sait que 30% des Algériens vivent dans le dénuement. De la place du 1er-Mai en passant par Hassiba Ben Bouali, Larbi Ben M'hidi, Abbane Ramdane et Bab-Azzoun, nous assistons chaque jour à la tragédie humaine, nous croisons des regards qui nous brisent le coeur. Des vieillards, des enfants, des aveugles, des et même des handicapés moteur sont assis là en tendant la main à l'entrée des immeubles, devant des pizzerias, les boulangeries, les pâtisseries, cette image a de quoi soulever les coeurs. Cela fait partie malheureusement du décor quotidien d'Alger. Un interlocuteur, en l'occurrence un cadre du ministère de la Santé, réagira à ce fléau: «Cela n'a que trop duré, c'est le résultat de la pauvreté, de la fermeture d'unités et d'entreprises, de la crise de l'emploi et du terrorisme qui a poussé des familles entières à fuir leurs villages pour aller vers les grandes villes et s'installer dans des bidonvilles. Maintenant, la mendicité est devenue une activité répandue. Quand cela cessera-t-il ?» Nous sentons là l'inquiétude et la lassitude de la population. Rappelons que l'Algérie figure parmi les pays où la pauvreté ne cesse d'augmenter, 30 % de sa population vit déjà dans la misère noire. Les familles n'arrivent plus à joindre les deux bouts face à la cherté de la vie. Celles qui vivent d'une pension de retraite ont un peu plus de chance car d'autres sont sans revenus et le chômage fait des ravages. Tout cela est perceptible dans les rues encombrées de notre capitale.