Que va faire Soumaïla Cissé? Comme en 2013, donc, le duel qui va opposer les deux hommes ne semble pas susciter un enthousiasme considérable, d'autant que la question de la fraude laisse augurer d'une nouvelle crispation des relations déjà tendues entre les deux camps. La sentence est tombée hier, après plusieurs jours d'attente et d'incertitudes relatives: le second tour de l'élection présidentielle malienne va opposer le sortant Ibrahim Boubacar Keïta à son principal opposant, Soumaïla Cissé. L'opposition a pris acte de la large avance de M. Keïta, sur fond de contestations et de menaces de saisine de la justice. Soumaïla Cissé a recueilli le 29 juillet 17,8% des voix contre 41,42% pour Ibrahim Boubakeur Keïta, selon les résultats proclamés officiellement jeudi soir, contre toute attente. Il devait s'exprimer hier sur «les enseignements du scrutin» au siège de sa campagne à Bamako. La principale satisfaction de M.Cissé a été de souligner que «pour la première fois dans l'histoire de la jeune démocratie malienne, un président sortant est contraint à un second tour» et que «le projet de le faire élire dès le premier tour a échoué malgré la fraude»! La situation du pays reste, cependant, sous la menace terroriste, notamment au nord du Mali, malgré la forte présence de plusieurs forces militaires dont celle de l'opération française Barkhane, les éléments du G5 Sahel et les Casques bleus de l'ONU. Toutes ces forces attendent du futur président malien qu'il accélère la mise en oeuvre de l'accord d'Alger signé en 2015 par la partie gouvernementale et la CMA, une représentation de l' ex-rébellion à dominante toua regue. Il se trouve qu'aux yeux des responsables de cette dernière, le gouvernement aura longtemps freiné des deux pieds pour concrétiser les engagements pris dans le cadre de cet accord d'Alger, d'où un certain regain de tensions dont ont profité les groupes terroristes toujours à l'affût. C'est ainsi que les violences ont été continuelles, allant jusqu'à se propager du nord vers le sud du Mali et à affecter les pays voisins comme le Niger et le Burkina Faso, attisant les germes de la division ethnique avec des affrontements plus ou moins sanglants. Comme en 2013, donc, le duel qui va opposer les deux hommes ne semble pas susciter un enthousiasme considérable, d'autant que la question de la fraude laisse augurer d'une nouvelle crispation des relations déjà tendues entre les deux camps. Soumaïla Cissé a ainsi agité l'idée d'un recours à la justice pour anticiper les conditions dans lesquelles va se dérouler le second tour dont le troisième candidat, crédité de 7,59% des voix, ne peut apparaître comme un arbitre probable. Pourtant, l'homme d'affaires Aliou Boubacar Diallo voudrait peser sur l'issue du vote final, se disant pleinement «satisfait» de «sa prouesse» mais en même temps décidé à saisir la Cour constitutionnelle. «Chacun a pu constater le bourrage des urnes dans certaines localités, leur enlèvement illégal ailleurs, la violation de la procédure de dépouillement dans de nombreux bureaux de vote, l'achat massif des consciences ou encore les plus de 200.000 bulletins déclarés nuls», a-t-il ainsi dénoncé en ajoutant que «ces faits visibles de tous mettent sérieusement en doute la sincérité et la transparence de ce scrutin». Idem pour la réaction de l'ancien chef de gouvernement de transition (avril-décembre 2012), Cheick Modibo Diarra, qui a obtenu lui aussi 7,46%, dont on se connaît pas encore clairement le choix définitif alors qu'il est pressé par les deux camps de se prononcer. Le taux de participation qui est de 43,06% constitue une bonne surprise dans la mesure où il est légèrement supérieur à la moyenne dans un pays connu pour la pau vreté et l'analphabétisme dont souffrent deux tiers de la population, en proie à des attaques terroristes qui n'ont pas manqué de viser le déroulement du scrutin, au niveau de 700 bureaux de vote sur les 23.000 mobilisés pour l'élection présidentielle surveillée par plus de 30.000 éléments des forces de sécurité tant maliennes qu'étrangères. En prévision du second round, il reste au candidat Soumaïla Cissé, qui a engagé séance tenante une nouvelle campagne, à rassembler autour de lui le front le plus large possible car sans la mobilisation des électeurs de tous les candidats au tres que le président sortant, on voit mal comment il pourrait parvenir à rivaliser avec lui.