Incapable de s'imposer comme ses prédécesseurs, Abdelmalek Droukdel laisse ses lieutenants prendre les mesures «de la dernière chance». Comme en 2000, lors de la campagne pour la concorde civile, le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc) multiplie les contacts avec les derniers groupes autonomes du centre et de l'ouest du pays en vue de les pousser à refuser l'offre de paix proposée par les autorités algériennes. Le Gspc, qui se pose aujourd'hui comme le champion du salafisme et le fer de lance du djihad en Algérie, s'affirme depuis 2002 comme le groupe armé le plus dangereux et le mieux structuré, avec une implantation très importante à Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira et Boumerdès, et une présence épisodique ou de moindre importance dans les Aurès et l'extrême Est, et dans le pourtour de djebel Boukhil, qui s'étend sur de larges régions steppiques qui vont des Ouled Naïl à Biskra. Cette région est le lieu d'attache de l'émir de la zone 9 du Gspc, Mokhtar Belmokhtar, à partir duquel il peut lancer des attaques ou se replier, avec des incursions dans les pays de la bande du Sahel. Selon une source crédible, le Gspc est en train d'envoyer ses émissaires les plus entreprenants afin de convaincre les autres groupes armés qui pourraient prêter une oreille attentive à l'offre de paix du président Bouteflika. Il s'agit principalement du Gspd d'Abdelkader Saouane, dit Abou Thoumama, stationné dans les djebels Echaoune et Derrag et la bande est de Tissemsilt. Du GSC (El Djamaâ essalafiya el moukatila) dirigée par Douadji Yahia dit Abou Ammar, qui évolue entre Mascara, Sidi Bel Abbès, Tlemcen, Saïda et Oran. En 2002, ce groupe avait rallié le Gspc de Hassan Hattab, mais depuis la «disparition» de celui-ci, il a repris son autonomie en main. Il s'agit aussi des Houmat ed-daâwa essalafiya (Ghds, ex-El Ahoual) dirigé par Mohamed Benslim dit Salim El Abassi, universitaire et l'un des plus anciens insurgés. Tous ces groupes ont été contactés depuis 2000 afin de fédérer le djihad sous un commandement unifié du Gspc, sans résultats probants. Il n'y a que le GIA, qui pour des raisons historiques et stratégiques, reste totalement rétif à cette proposition, bien que l'un de ses groupes, stationné à la périphérie de Ksar El Boukhari et mené par le chef Utbah, ait déjà rallié le Gspc depuis trois années ; tout comme le groupe Djound Allah stationné à Aïn Defla et dirigé par Abou Hafs Amine. En fait, pour les autorités algériennes, tout comme pour le Gspc, la course contre la montre est engagée. Les premiers, à la faveur de l'élan national pour la paix et la réconciliation nationale proposée par le président de la République, tentent de convaincre le plus d'hommes possibles à quitter les maquis. Les seconds, arguments théologiques et kalachnikovs à l'appui, poussent les groupes armés à tourner le dos à la paix et à continuer le djihad. Si l'on évalue les résultats obtenus à ce jour, le résultat paraît terne, mais il faut attendre que les textes soient appliqués pour avoir un tableau plus juste sur l'adhésion ou le rejet de la paix par les groupes armés. Mais en l'absence de chiffres fiables concernant les hommes encore en armes, l'évaluation reste à ce jour un jeu de hasard, tant les autorités avancent des chiffres aussi biscornus les uns que les autres: 100, 200, 350, 600 et 1000. Si on prend en ligne de compte le premier chiffre avancé par le ministre de l'Intérieur, Zerhouni, les quarante redditions enregistrées ou en voie de l'être, paraissent un score très encourageant, car il représenterait 40% des maquis, mais le même chiffre de redditions aligné à côté des hommes encore en armes dans les maquis, selon l'estimation du chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, le résultat est dérisoire, insignifiant. Ainsi, il en va de l'univers terroriste en Algérie: flou, opaque, à la limite de l'irréel. Et il est mieux ainsi pour beaucoup de ceux qui peuvent y évoluer à moindre coût, à moindre vérification et à moindre vérité.