A quatre mois de l'élection présidentielle américaine, prévue pour le 4 novembre prochain, l'entretien de Droukdel a produit l'effet escompté, à savoir le recentrage du débat électoral autour des questions de sécurité nationale et de politique étrangère américaine. Abdelmalek Droukdel, alias Abou Mosaâb Abdelwadoud, le terroriste en chef du GSPC, s'invite bruyamment aux Etats-Unis d'Amérique. Le sanguinaire émir du Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), groupe terroriste rebaptisé fin 2006, Branche Al Qaïda au Maghreb islamique (BAQMI), s'est offert hier une inespérée tribune médiatique. Le très sérieux et influent quotidien américain le New York Times a publié dans son édition électronique du mardi une interview qualifiée d'« exceptionnelle » de celui qui se présente comme l'« émir » de cette organisation terroriste. En plus d'un dossier de presse retraçant l'histoire de la « résistance islamiste » en Algérie, le quotidien US met en ligne sur son site internet un enregistrement sonore de Droukdel. L'enregistrement, de 7 minutes, contient les réponses aux 20 questions soumises (par écrit) par le NYT. The New York Times qui s'est bien gardé depuis les attentats du 11 septembre 2001 de quémander une interview à Ben Laden, commanditaire présumé des attaques contre les tours jumelles du WTC, ouvre ses colonnes, en bon sous-traitant médiatique, au plus recherché « ennemi public numéro 1 » des services américains. Un scoop ? Oui, mais pas seulement. A quatre mois de l'élection présidentielle américaine, prévue pour le 4 novembre prochain, l'invitation cordiale adressée à Droukdel à participer au débat de précampagne risque de produire l'effet escompté, à savoir le recentrage du débat électoral autour des questions de sécurité nationale et de politique étrangère américaine. La course à la Maison-Blanche, âprement disputée par les candidats démocrate et républicain, Barack Obama et John McCain, peut prendre un nouveau virage à la faveur de cette sortie spectaculaire du chef terroriste algérien. Les Américains, habitués des menaces quasi folkloriques d'Al Qaïda, distillées à la veille d'élections, se doivent de reconsidérer à sa « juste mesure » la menace de la « filière » algérienne d'Al Qaïda. Les thèmes économiques et d'émigration qui, selon les sondages américains, intéressent davantage l'opinion US, seront-ils pour autant relégués au second plan ? Droukdel adoubera-t-il le prochain président américain ? Un retournement d'opinion, favorable jusque-là à Obama, n'est pas à exclure. Les « menaces » débitées à flux ininterrompu par le franchisé d'Al Qaïda au Maghreb, Abou Mosaâb Abdelwadoud contre les USA, prendront de la masse et de la vitesse grâce à l'entretien diffusé par le NYT. Leurs conséquences électorales aussi. Chapitre des « menaces » dans les bonnes feuilles du New York Times. Droukdel déclare : « Tout le monde doit savoir que nous n'hésiterons pas à frapper les Etats-Unis quand nous le pourrons et où nous le pourrons où que ce soit dans le monde. » A la question de savoir s'il allait « attaquer » les USA, il répond : « Nous nous sommes retrouvés (le GSPC, ndlr) sur la liste noire de l'Administration américaine, accusés de terrorisme et on découvre que cette dernière construit des bases militaires dans le Sud algérien, organise des manœuvres militaires (avec l'armée algérienne), pille notre pétrole et notre gaz, ouvre une succursale du FBI dans notre capitale et commandite une campagne d'évangélisation ciblant nos jeunes (…) L'Amérique ne nous laisse aucun autre choix que de répondre à son agression. » Le GSPC contre l'impérialisme US dans la région. Belle enveloppe, superbe arnaque. « Si l'Administration américaine considère que sa guerre contre les musulmans est légitime, pourquoi ne considérerions-nous pas que notre guerre sur son territoire est, elle aussi, légitime ? », s'interroge Droukdel. Les « cibles américaines sont légitimes », selon lui. Droukdel est-il un « opposant » comme tous les autres ? A lire et à entendre, ce seigneur de la guerre, on est tenté de le penser. Le caractère des questions posées à Droukdel par le NYT, politique, économique, etc., renseigne sur le piédestal sur lequel il est placé, sans aucun égard pour la mémoire de ses nombreuses victimes. Les victimes des attentats kamikazes du 11 avril, du 11 décembre 2007 contre le Palais du gouvernement, du Conseil constitutionnel, du commissariat aux réfugiés de l'ONU à Alger, il déclare que « 95 % des (victimes) sont des croisés ». Des « militaires », des « membres des services de sécurité, du renseignement… » Droukdel vend bien son image : « Pas de victimes civiles », dit-il. Dans ses heures perdues, il fait aussi de la politique. Sollicité pour donner son avis sur la destination réservée par le régime d'Alger à la manne pétrolière, les « 120 milliards de dollars » de la cagnotte pétrolière, le chef du GSPC analyse, comme le ferait un homme politique lambda. « Le ministre des Finances algérien affirmait, il y a quelques mois, qu'il ne savait pas où était cet argent… Les hautes autorités étouffent le scandale et annoncent que 60% de la cagnotte se trouvent dans les banques US et 40% en Grande Bretagne, au Japon et en France. » Une chose est certaine d'après l'émir, les ressources pétrolières profitent aux économies des USA et de l'Union européenne.