«Nous sommes en Arabie saoudite. Nous sommes au Pakistan. S'il n'y a pas de problème [dans ces pays], pourquoi en aurions-nous en Turquie?», a déclaré au journal Hürriyet, le patron de Netflix, Reed Hasting. La plate-forme américaine de vidéo a du mal à pénétrer le marché turc, considéré comme le plus important marché de drama dans la région Mena et dans les pays d'Europe de l'Est. En Turquie, l'année 2018 était attendue par les utilisateurs de Netflix, depuis que le géant américain avait annoncé le lancement de sa toute première série turque, The Protector. L'histoire d'un jeune homme se découvrant des pouvoirs surnaturels et une mission, celle de protéger Istanbul de mystérieuses forces maléfiques. Depuis que le géant de la vidéo en ligne s'est lancé dans la création et la production, chaque nouvelle production estampillée «Netflix original» est un petit évènement dans le pays qui en est l'hôte. Ce fut House of Cards aux Etats-Unis, Marseille en France. En Turquie, deuxième exportateur mondial de séries au monde est très impatient de découvrir l'alliance entre la Turquie et Netflix. Mais la géopolitique n'est pas loin. La politique actuelle américaine avec Trump déplait au gouvernement turc qui a bloqué l'entrée de Netflix en Turquie. Fin mars, le Parlement turc a adopté une loi élargissant les prérogatives du Conseil supérieur de la radio et de la télévision aux contenus issus de ces sites et par extension aux plates-formes vidéo. Ainsi, les plates-formes de vidéo en streaming en Turquie - Netflix donc, mais aussi les concurrents nationaux Blu TV et Puhu TV, sont concernées par cette nouvelle mesure. Depuis deux mois, les plates-formes de vidéo en streaming, jusque-là épargnées par la censure qui touche l'ensemble des médias, sont sous étroite surveillance du gendarme de l'audiovisuel turc. Netflix, implanté depuis deux ans dans le pays, tout comme les acteurs nationaux, devra désormais composer avec les décisions du tout-puissant Conseil supérieur de la radio et de la télévision. Ce qui ne semble en rien freiner le géant américain qui s'apprête à diffuser sa première série turque. Les programmes originaux qu'offre Netflix donnent souvent des intrigues alternatives et leur cinématographie. Par ailleurs, certains films et séries ont généralement un contenu plus explicitement sexuel et violent que les contenus produits pour les chaînes de télévision. Aussi, la perspective d'une supervision par un organe aux ordres du pouvoir suscite l'inquiétude chez l'opérateur américain. Une inquiétude renforcée par les récentes déclarations du ministre des Transports et des Communications, Ahmet Arslan qui avait affirmé qu'il s'agissait de prendre des mesures contre les contenus «qui causent du tort aux valeurs morales du pays et à la sécurité nationale»... tout en affirmant ne pas vouloir exercer une quelconque censure. Certains signaux n'invitent pourtant pas à l'optimisme. Le succès de ce début d'année qu'est La Casa de Papel a convaincu la plupart des hommes influents proches d'Erdogan. Si l'exécutif turc s'est bien gardé de tout commentaire, le présentateur vedette de la chaîne pro-gouvernementale AkitTV, Ömer Turan, a par exemple dénoncé la présence «d'images furtives» dans cette série centrée sur le braquage d'une fabrique de billets en Espagne, invitant la jeunesse à la révolte. [email protected]