Les opposants à la réforme voulue par le chef de l'Etat ont justifié leur rejet par la référence aux principes de l'islam Face à la détermination du président tunisien de le faire aboutir, des appels au rejet ont été lancés, notamment parmi les militants des mouvements dits islamistes. L'annonce faite lundi par le chef de l'Etat tunisien, Béji Caïd Essebsi, sur le dépôt d'un projet de loi accordant aux Tunisiennes les mêmes droits à l'héritage qu'aux hommes, a provoqué de vives tensions dans le pays entre partisans et opposants à cette réforme recommandée par la Commission présidentielle des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe). Depuis le discours télévisé du président tunisien, lundi matin, au cours duquel il avait annoncé le dépôt d'un projet de loi faisant de «l'égalité entre hommes et femmes le principe par défaut, lors de la répartition de l'héritage», plusieurs appels à la tenue de sit-in et de manifestations ont été lancés, aussi bien par ceux qui soutiennent que par ceux qui dénoncent cette révision. Figurant parmi une série de propositions soulevées par la Colibe, cette mesure demeure la plus débattue et critiquée, suscitant une vive polémique parmi les acteurs politiques et les animateurs de la société civile tunisienne. Lors de sa présentation, M.Caïd Essebsi a expliqué que l'ancienne loi qui s'appuyait sur le droit islamique sera «inversée», précisant que «l'égalité sera la règle» et «l'inégalité, une dérogation». «C'est mon devoir en tant que président de tous les Tunisiens, de rassembler et non de diviser», s'est-il défendu, ajoutant que le projet de loi en question prévoit de laisser la possibilité au testateur, «soit d'appliquer la Constitution, soit de choisir la liberté». Face à la détermination du chef de l'Etat de faire aboutir ce projet de loi, des appels au rejet ont été lancés en Tunisie, notamment parmi les militants des mouvements dits islamistes. Lundi, des milliers de Tunisiennes et de Tunisiens ont manifesté à la place Bardo devant le Parlement tunisien, certains brandissant le coran, aux cris de «avec notre sang, nous défendrons l'islam». Les opposants à la réforme voulue par le chef de l'Etat ont justifié leur rejet par la référence aux principes de l'islam, exigeant qu'un homme hérite le double d'une femme, même lorsqu'il s'agit du même degré de parenté. Farouchement opposés à l'idée de l'égalité dans l'héritage, les opposants à ce projet de loi affirment ne pas lâcher prise et considèrent que «le coran doit rester la référence de la loi tunisienne». Chez les défenseurs de la proposition de la Colibe, il n'y a pas de raison de ne pas défendre le principe d'égalité entre citoyens, du moment qu'il avait été consacré par la Constitution de 2014. Selon eux, ce principe égalitaire doit aujourd'hui se traduire dans toutes les lois du pays. A l'appel de nombreuses associations et de partis politiques, les partisans de cette réforme ont observé, pour leur part, d'importantes manifestations lundi et mardi, au centre de la capitale tunisienne. Des activistes et des représentants de plusieurs mouvements associatifs se sont rassemblés mardi devant le théâtre municipal de Tunis, scandant des slogans revendiquant «l'égalité totale»dans l'héritage et «le respect des droits et des libertés». Dans une déclaration à l'agence Tap, Raja Dahmani, membre de l'Association tunisienne des femmes démocrates, a souligné que les manifestants réclament «la garantie de l'égalité totale entre l'homme et la femme dans les droits et les libertés, et n'ont pas pour objectif de diviser le peuple tunisien». Pour sa part, Radhia Jerbi, présidente de l'Union nationale des femmes tunisiennes (Unft), a relevé «l'importance de la garantie de l'égalité entre les citoyens et les citoyennes pour la société tunisienne». Parallèlement aux rassemblements organisés à Tunis, des associations tunisiennes actives en France ont tenu, lundi soir, à Paris, un rassemblement pour exprimer leur soutien aux propositions de la commission présidentielle. Selon des observateurs de la scène politique tunisienne, le débat s'annonce houleux au Parlement qui devra examiner ce projet à la prochaine rentrée sociale, alors que la Tunisie s'apprête à organiser des élections législatives et présidentielle en 2019.