Le général Ming Aung Hlaing est le premier des criminels birmans La dirigeante Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, «n'a pas utilisé sa position de chef du gouvernement ni son autorité morale, pour empêcher les événements dans l'état Rakhine». «Par leurs actes, les autorités civiles ont contribué à la commission de crimes atroces», estiment les enquêteurs. Des enquêteurs de l'ONU ont demandé hier que la justice internationale poursuive le chef de l'armée birmane et cinq autres hauts gradés pour «génocide», «crimes contre l'humanité» et «crimes de guerre» à l'encontre des musulmans rohingyas. «Les principaux généraux de Birmanie, y compris le commandant en chef Min Aung Hlaing, doivent faire l'objet d'enquêtes et de poursuites pour génocide dans le nord de l'état Rakhine, ainsi que pour crimes contre l'humanité et crimes de guerre dans les Etats Rakhine, Kachin et Shan», a exhorté la Mission d'établissement des faits de l'ONU sur la Birmanie. Selon un rapport publié hier par cette mission qui a été créée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU en mars 2017, «il existe suffisamment d'informations pour justifier (...) la poursuite des hauts responsables de la chaîne de commandement» de l'armée birmane. Entre août et décembre 2017, plus de 700.000 musulmans rohingyas ont fui la Birmanie, majoritairement bouddhiste, après une offensive de l'armée birmane lancée en représailles d'attaques de postes-frontières par des rebelles rohingyas. Ils ont trouvé refuge au Bangladesh où ils vivent depuis dans d'immenses campements de fortune. Les informations recueillies par la mission de l'ONU suggèrent que l'estimation de 10 000 morts, un chiffre de Médecins sans frontières (MSF), est «prudente». D'après les enquêteurs de l'ONU, la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix, «n'a pas utilisé sa position de facto de chef du gouvernement ni son autorité morale, pour contrer ou empêcher le déroulement des événements dans l'état Rakhine». «Par leurs actes et leurs omissions, les autorités civiles ont contribué à la commission de crimes atroces», ont-ils estimé. Ceux-ci ont néanmoins fait valoir que les autorités civiles avaient «peu de marge de manoeuvre» pour contrôler les actions de l'armée birmane et que «rien n'indique non plus qu'elles ont participé directement à la planification ou à la mise en oeuvre d'opérations de sécurité ou qu'elles faisaient partie de la structure de commandement». La mission de l'ONU, qui n'a pas été autorisée à se rendre en Birmanie, a interrogé 857 victimes et témoins et s'est aussi servi d'images satellite. Selon le rapport, «les crimes commis dans l'état Rakhine, et la manière dont ils ont été perpétrés, sont de nature, de gravité et de portée similaires à ceux qui ont permis d'établir l'intention génocidaire dans d'autres contextes». Les experts citent ainsi «le contexte oppressif (...) et la rhétorique de la haine, les déclarations spécifiques des commandants, les politiques d'exclusion, y compris pour modifier la composition démographique de l'état Rakhine, le niveau d'organisation indiquant un plan de destruction et l'ampleur et la brutalité extrêmes de la violence». Le rapport détaille une longue liste de crimes contre l'humanité qui auraient été commis à l'encontre des Rohingyas dans les états Kachin, Shan et Rakhine: assassinat, emprisonnement, disparition, torture, viol, esclavage sexuel, persécution et asservissement. Les experts évoquent également «l'extermination et la déportation», deux autres crimes contre l'humanité, dans l'état Rakhine. Les «tactiques» de l'armée birmane sont «systématiquement et excessivement disproportionnées par rapport aux menaces réelles à la sécurité, en particulier dans l'état Rakhine, mais aussi dans le nord de la Birmanie», selon le rapport. Les deux états Shan et Kachin, situés à la frontière avec la Chine, sont également le théâtre d'affrontements entre soldats birmans et rebelles kachins, majoritairement chrétiens, et shans qui réclament plus d'autonomie pour leur ethnie. La mission de l'ONU a établi une liste de six hauts gradés, incluant le chef de l'armée birmane, soupçonnés d'avoir commis des crimes. Elle a également élaboré une liste plus longue d'individus présumés coupables pour que les tribunaux puissent s'en emparer. Les enquêteurs recommandent que le Conseil de sécurité fasse appel à la Cour pénale internationale ou que soit établi un tribunal international ad hoc. Ils appellent aussi à des sanctions ciblées contre les auteurs de crimes et à un embargo sur les armes. Le Conseil de sécurité a plusieurs fois appelé la Birmanie à l'arrêt des opérations militaires et au retour en sécurité des Rohingyas, mais ses initiatives restent entravées par la Chine, premier soutien de la Birmanie. Les enquêteurs ont également accusé la police et des groupes armés d'avoir participé aux violences. Ils ont également pointé le rôle de Facebook comme «instrument utile pour ceux qui cherchent à répandre la haine». «Bien qu'elle se soit améliorée au cours des derniers mois, la réponse de Facebook a été lente et inefficace», pointe le rapport.