Deux automobilistes ne peuvent s'éviter dans cette infernale circulation. Les deux accidentés haussent le ton. L'un d'eux sort une arme à feu... Housni Med est inculpé de menaces à l'aide d'une arme à feu et de coups et blessures volontaires, faits prévus et punis par les articles 284 et 264 du code pénal. Housni n'a pas eu la délicatesse de répondre de ses actes devant la justice. Me Malia Bouzid, le conseil de la victime, Maâmar E., en profite pour tomber sur cette «grosse légume» qui a brandi un revolver face à la... face de son client, qui a agressé Maâmar et qui croit éviter une condamnation devant Naïma Taboudoucht, cette présidente égale à elle-même lorsqu'elle a de telles affaires sous le nez. Alors que la victime se délecte devant le flot d'accusations déversées à la barre par son défenseur, le procureur feuillette le dossier. Il sait au plus profond de ses entrailles que l'inculpé, jugé ce jour par défaut, est un cadre haut placé et qu'il ne devra s'en prendre qu'à lui-même, car tout a commencé par une collision entre les deux voitures conduites par l'inculpé et la victime. Une histoire de constat si le monde est monde. Maâmar S., la victime, essaie de reprendre l'accident, d'abord, les coups ensuite, et la menace avec le PA enfin. Il raconte avec des sanglots: «Il m'est entré par derrière causant de gros dégâts à ma voiture, puis il est descendu, la bave aux coins de la bouche, un revolver à la main, menaçant de me descendre.» Naïma Taboudoucht, la présidente du pénal du tribunal de Chéraga (cour de Blida), elle, ne veut pas d'un procès à sens unique du fait de l'absence de l'autre partie. Elle sait que tout ce qui se dira et s'écrira va s'achever par un verdict prononcé favorablement en droite ligne de ses voeux. Elle posera tout de même quelques questions en vue d'avoir la meilleure reconstitution des faits. C'est ainsi qu'elle apprendra que la victime était son neveu et que le chauffard menaçant n'a même pas eu la gentillesse de demander des nouvelles du véhicule qu'il venait de «bousculer». Procédures obligent, c'est l'avocate de la partie civile qui plaide la première: «Nous avons un commis de l'Etat haut placé qui use et abuse de son autorité jusqu'à dégainer une arme que l'Etat lui avait remise pour se défendre, pas pour la brandir», a clamé Me Bouzid, qui a demandé une expertise médicale et vingt mille dinars de dommages. Le procureur effectue avec le sourire dans un arabe que seul «Sibaouih» utilisait, une réplique à l'expression «haut placé»: «Pour le parquet, un médecin, un avocat, un ministre au volant est considéré comme un conducteur banal. Si c'était le cas, vous vous seriez adressé ailleurs, pas à notre juridiction.» Il requiert un an ferme. Le prévenu a écopé d'une peine de prison de six mois ferme par défaut. Il ne restera plus au cadre qu'à faire opposition. Mais ceci est une autre histoire.