L'affaire est révélatrice d'une volonté d'assainissement lancée par les pouvoirs publics. Le tribunal criminel d'Oran avait à statuer aujourd'hui sur une grave affaire mettant en cause deux magistrats suspendus depuis trois ans et une greffière poursuivis pour parti pris et corruption. L'affaire paraissant somme toute banale est pourtant révélatrice d'une volonté d'assainissement lancée par les pouvoirs publics qui entendent mettre de l'ordre dans le secteur de la justice. Les faits pour lesquels sont poursuivis les mis en cause remontent au mois d'août 1998 quand avait éclaté ce que le Tout-Oran appelle l'affaire des frères Tounsi. Ces derniers arrêtés et poursuivis en justice pour un crime qu'ils ont toujours nié, ne se sont jamais tus. Même durant leur période de détention ils avaient adressé des correspondances au ministère de la tutelle dans lesquelles ils se plaignaient d'être les victimes d'un complot fomenté pour couvrir un médecin auteur d'une grave erreur médicale qui avait entraîné la mort d'un jeune citoyen et dont le décès leur a été imputé. Ce médecin aujourd'hui installé en France, fils d'un ancien bâtonnier aurait été l'auteur d'un drain chirurgical qui aurait mal tourné. Le rapport de la première autopsie réalisée sur la dépouille du défunt précise que la mort est due justement à un drain chirurgical. Il précise l'orifice du drain qu'il situe dans la région thoracique. Mais curieusement, le document omet d'évoquer une pâlie abdominale suturée qui apparaît sur les photos du rapport technique illustré, établi par l'identité judiciaire de la Sûreté de wilaya d'Oran. Les frères Tounsi, preuves à l'appui, dénoncent un complot. Ils exhibent un réquisitoire du procureur de la République plein de surcharge, établi sans qu'ils ne soient auditionnés. Ils évoquent le fait que les propos des témoins de la rixe qui les avait opposé au défunt n'aient pas été pris en considération lors de la reconstitution des faits. Et pis encore, ils exhibent aujourd'hui un réquisitoire établi le 30 septembre 2000 par le procureur général dans lequel il ordonne au procureur de la République du tribunal d'Es Sénia d'ouvrir une enquête pour corruption et faux et usage de faux contre les magistrats qui comparaîtront aujourd'hui devant le tribunal. Ils s'étonnent d'ailleurs comment «des faits aussi graves se transforment aujourd'hui en délits banals comme le parti pris et la corruption, à moins que les gens qui sont derrière cette cabale veulent que nos plaintes soient frappées de prescription», dira-t-il. L'ancien procureur de la République suspendu depuis l'éclatement de l'affaire du wali de Blida avait joué un mauvais rôle dans cette affaire. Il avait bloqué toutes nos plaintes et fait en sorte qu'elles n'aboutissent pas. Nos plaintes au parquet demeurent sans suite depuis le 6 mars 2003 alors que conformément aux dispositions de l'article 575 du code de procédure pénale, elles auraient dû être transmises au procureur général près la Cour suprême pour lui donner suite. Aujourd'hui Tounsi Nouredine a été appelé pour témoigner dans cette affaire de corruption, mais se sentant lésé, a déposé une demande pour se constituer partie civile. «J'ai été injustement mis en prison. On a tout fait pour taire mes plaintes, mais aujourd'hui avec la nouvelle dynamique qui s'est installée je m'en remets au Président de la République, premier magistrat du pays et au ministre de la Justice pour ordonner l'ouverture d'une enquête qui permettra notre réhabilitation», dira-t-il. Ce scandale longtemps caché connaîtra peut-être aujourd'hui un début d'éclaircissement. La cour d'Oran mise en cause dans cette affaire est devenue aujourd'hui une maison transparente. De l'avis même de plusieurs citoyens, une nouvelle ère de justice et de transparence souffle dans ses murs. Saura-t-elle aller jusqu'au bout dans le traitement de cette affaire pendante depuis des années?