Cherif Aberkane, P-DG du groupement du même nom, qui comprend quatre entreprises de production privées autonomes (Remelec, Gmee, Satchi et ABH), exprime sans ambages ses «craintes» quant à l'avènement de l'accord d'association avec l'Union européenne dont l'entrée en vigueur est effective depuis le 1er septembre dernier. Aberkane ou «El Hadj» comme l'appelle respectueusement ses ouvriers, la soixantaine proche, l'oeil alerte, très dynamique et à la limite inlassable, arbore une mine volontaire qui ne reflète nullement son âge. Précisant ses craintes au quotidien L'Expression, il ne mâchera pas ses mots pour déplorer en premier lieu «le manque d'aide de l'Etat aux entreprises algériennes privées à faire face à cette ouverture de marché» qui entraînera sûrement dans son sillage, selon lui, «une concurrence déloyale». Cette ouverture, estime-t-il en effet, s'opère essentiellement dans un seul sens en servant des concurrents européens potentiels qui vont «s'emparer» d'un marché algérien presque «exclusivement importateur». Ils vont apporter une technologie nouvelle laquelle, précisera-t-il, si elle ne gêne en aucun cas le groupe Remelec, affectera certainement beaucoup d'autres opérateurs économiques qui se trouvent en position inférieure en matière de technologie et de finance. Ces nouveaux concurrents jouissent déjà de la garantie de leurs gouvernements respectifs doublée de celle de notre propre gouvernement sans compter, regrette-t-il, le complexe du consommateur algérien face aux produits «made in». Ce sont là autant d'éléments défavorisant l'opérateur économique algérien. Ces paramètres ne peuvent que servir l'opérateur étranger et par là accentuer un «déséquilibre» déjà omniprésent, face à la concurrence étrangère. Le système bancaire mis à l'index Notre interlocuteur ne mettra pas non plus de gants pour prendre à partie les banques qui montrent un manque de confiance flagrant envers leurs clients nationaux avant de dénoncer farouchement les lenteurs, les lourdeurs et les inepties bureaucratiques qui essaiment autour de toutes les opérations économiques. Il citera le cas d'un «impair» commis par les services de la justice le concernant. Il s'agit du recouvrement de chèques sans provision émis par trois clients «maffieux», condamnés chacun respectivement à deux, trois et une année de prison ferme. Ceux-ci, hélas, «circulent librement sans règlement de leurs dettes à ce jour», ce qui n'a toutefois pas découragé Aberkane dont l'entreprise essaie toujours de régler ces différends à l'amiable. L'autre handicap de taille, qui entache les services bancaires, est celui du fameux chèque «certifié» exigé par la banque qui rebutent de plus en plus nombre de clients sérieux. En effet, dans ce cas, lorsqu'on demande un chèque «certifié» à notre client comme exigé par la banque, on risque de le perdre car, pour lui, on met en doute sa probité... Poursuivant son «procès» des services bancaires toujours, il parlera de deux demandes de lettres de crédits bancaires adressées à deux établissements financiers pour la réalisation d'un projet important. Pour concrétiser ce projet, il disposait d'une garantie du fournisseur étranger ce qui ne nécessitait donc qu'un «jeu d'écritures». Ces deux requêtes ont été adressées simultanément, l'une à la banque El Baraka, détenue à hauteur de 50% par la Banque de développement local (BDL) et, au même taux, par une banque saoudienne. La seconde était destinée à la banque française Société Générale. La première banque sollicitée posa plusieurs conditions dont «une hypothèque des biens, un apport de 20% du montant du projet, une souscription à un contrat d'assurances (du reste normal par notre interlocuteur) et un engagement signé par tous les associés du groupe». La seconde banque répond quant à elle «rapidement et favorablement», m'invitant à venir prestement retirer ma lettre de crédit, ceci, sans poser aucune condition et sans exiger ni garanties ni apport préalable de ma part!! N'est-ce pas là une attitude pour le moins décourageante du tissu bancaire national? s'exclame-t-il. Avant de confier son point de vue sur l'accord d'association avec l'UE, Aberkane a fait visiter au journaliste de L'Expression les nombreux ateliers de fabrication de diverses machines et où sont développés les nombreux concepts conçus par le laboratoire. Une usine sur laquelle plane en permanence un «souci d'intégration» indéniable au vu des efforts déployés sans cesse pour atteindre ce but. Remelec, fournisseur exclusif de groupes électrogènes à la Sonelgaz, qui les a homologués, s'assigne quatre rôles essentiels dans son oeuvre: le contrôle des produits importés, l'assistance sur place pour les clients, la fabrication de ses propres produits et surtout la recherche. En effet, les précieux efforts fournis dans le domaine de la recherche ont permis justement à l'entreprise de produire du «charbon actif», substance utilisée notamment dans le domaine du traitement des eaux (barrages, canalisations, châteaux d'eau...) pour en éliminer les matières organiques. C'est dire l'importance de cette «découverte» locale, tellement utile dans notre pays où l'abondance de l'eau potable est primordiale. Cette nouvelle substance découverte par Remelec va se substituer à l'importation onéreuse, en devises fortes, d'un produit aux effets similaires. Importé auparavant à coups de millions de dollars, ce produit dont le taux d'intégration atteint les 100%, découvert et préparé par le laboratoire de l'usine, a subi les tests nécessaires alors qu'une mise au point reste à faire dans l'attente de l'installation de l'équipement, qui est disponible, pour sa fabrication. Notre interlocuteur taira, bien sûr, pour des raisons de «secret professionnel» évidentes, la composition et l'origine de ce produit qui sera bientôt fabriqué dans l'usine même de Remelec grâce à «l'abondance en Algérie de la matière première le composant, une main-d'oeuvre spécialisée disponible et une technicité avérée», a assuré, avec une fierté légitime, le P-DG Aberkane. Il précisera que «l'amélioration du produit est en cours afin de le faire breveter auprès de l'Inapi (Institution nationale de la propriété industrielle)». Par ailleurs, a souligné Aberkane, «le moindre bénéfice financier réalisé par l'usine est réinjecté dans le capital social de l'entreprise». L'autre élément de base à inscrire au palmarès de ce laboratoire, est la découverte récente du traitement par différents procédés du sable quartzeux brut, extrait d'une carrière de la wilaya de Blida, à partir duquel on obtient du «quartz à 99,9%, lequel donne à son tour du dioxyde de silicium», appelé couramment silice. Ce matériau est totalement importé du Mexique par l'Europe, qui à son tour l'exporte vers d'autres pays, notamment l'Algérie. Ce matériau est utilisé dans la faïencerie, la dalle de sol, l'émaillage des cuisinières, qui leur donne une résistance à la chaleur qu'elles délivrent, dans la composition de la peinture et sert aussi à confectionner du plâtre pour les moules de bijoutier sans compter diverses autres utilisations semi-industrielles. Toujours dans le domaine de la recherche, Remelec est en phase d'installer un laboratoire microbiologique pour le contrôle des produits alimentaires. A propos de ce projet, Aberkane indiquera que la Tunisie, par exemple, dispose d'un laboratoire de contrôle de produits alimentaires à l'importation habilité à «disqualifier» un produit importé portant préjudice à la production ou à la commercialisation d'un produit local. Il déplorera vigoureusement l'inutilisation de plusieurs laboratoires similaires existant en Algérie. Une vingtaine d'ingénieurs d'Etat en électrotechnique et en électronique, dont huit femmes, composent le personnel d'encadrement de 300 ouvriers. On apprendra par ailleurs que 500 postes de travail seraient créés après la réalisation des projets futurs de l'entreprise qui, rappelons-le, est un adhérent important de l'Association générale des entrepreneurs algériens (Agea) que préside Mouloud Kheloufi. Parmi le personnel d'encadrement, onze familles sont hébergées sur place alors qu'un programme de logements sur site est bien avancé. Le personnel dispose du transport à domicile et des avantages sociaux légaux dont un réfectoire particulièrement équipé. Partenariat et coopération La première semaine d'octobre verra le début de pourparlers avec des Américains pour monter un partenariat technique a indiqué le P-DG de Remelec. Les discussions sont bien avancées et pour cette troisième fois, c'est le «big boss» de l'entreprise américaine qui va venir à Alger pour, on le souhaite, conclure un accord. L'Espagne, de son côté, vient de nous contacter pour lui livrer de la poudre «Epoxyl» destinée à la production de peinture dont l'atelier à l'intérieur l'usine connaît actuellement une extension. Les trois fils de Chérif Aberkane ont mis en application leurs études respectives d'ingéniorat, en finances et en management et s'apprêtent chacun de son côté à percer dans des projets économiques jugés viables. L'un d'eux s'est orienté vers la recherche minière en partenariat avec une entreprise publique. Un protocole d'accord vient d'être signé à cet effet par cette jeune entreprise et l'exploitation a commencé. Un quota de 12 tonnes de produit d'essai a été commandé par l'Italie. Le second a choisi l'emballage, créneau d'avenir, vu l'afflux auquel va assister notre pays de produits bien présentés au «look high design», qui nécessite une amélioration constante. Donc recherche, modernisation, mise au point... Le troisième fils Aberkane a opté pour le créneau vierge que représente majestueusement le tourisme. Ces trois projets indépendants et autonomes, parrainés par le «vieux» Aberkane, devront créer, a-t-il assuré, un minimum d'une centaine d'emplois chacun. Quelque peu sceptique et affichant une amertume mal contenue, Chérif Aberkane conclura son entretien par un regret, disant que: «l'Etat ne nous prend pas au sérieux. Il faudrait qu'il se rapproche un peu plus de nous vu que la motivation existe, les moyens aussi et les compétences ne manquent pas». Hormis Remelec (Rénovation de matériel électrique), spécialisée dans l'installation et la commercialisation et qui pilote le groupe, les autres entreprises formant le groupement sont Mgee (Montage de groupes électrogènes, équipements électriques), Satchi (Fabrication de produits chimiques et matériels de l'industrie chimique) et ABH (produits pour l'hydraulique).