«Pendant la guerre de libération de l'Algérie, la France a utilisé le gaz. Elle porte la responsabilité de 600 à 800 Oradour-Sur-Glane, celle du massacre du 8 mai 1945, des essais nucléaires, des viols et des crevettes Bigeard''»... Emmanuel Macron a reconnu officiellement la responsabilité de la France dans la mort de Maurice Audin, le partisan de l'indépendance algérienne, «disparu» pendant la bataille d'Alger. Le geste du président Macron est historique certes, car jamais un président français n'avait été aussi loin, mais reste «insuffisant» de l'avis de nombreux historiens et militants anticolonialistes. Pour l'universitaire Olivier Le Cour, les historiens Gilles Manceron, Alain Ruscio ou encore Raphaëlle Branche, il s'agit là d'une victoire, mais qui reste «symbolique» et la France doit assumer l'héritage de la violence coloniale en Algérie. A toutes ces voix est venue s'ajouter, avant-hier, celle du militant anticolonialiste Henri Pouillot qui a appelé le président Macron à reconnaître tous les crimes coloniaux. «La France a (...) commis des crimes de guerre, crimes contre l'humanité, crimes d'Etat... qu'elle n'a toujours pas reconnus, ni condamnés», a fait constater l'ancien appelé du contingent en Algérie (juin 1961-mars 1962) dans une lettre ouverte au président français, intitulée «Maurice Audin, et la suite?», reprise par l'APS. Henri Pouillot en déclarant que la France a commis des crimes sait de quoi il parle. Ce dernier a été témoin à la villa Sésini «de très nombreuses exactions commises dans cette période par l'Armée française», comme lui-même l'a affirmé non sans souligner à son chef d'Etat qu'il serait «important qu'il n'y ait pas d'hiérarchie dans la reconnaissance des crimes commis. Que tous le soient afin que la France retrouve sa légitimité de revendiquer son statut de pays leader dans la lutte pour les droits de l'homme». Pour Pouillot, «c'est à ce prix que la réconciliation des mémoires entre les peuples français et algériens pourra se faire totalement, et c'est ainsi que la France retrouvera une parole écoutée sur le plan international pour lutter contre les atteintes aux droits de l'homme». Dans sa correspondance, le défenseur des droits de l'homme rappelle les différents massacres et exactions à l'encontre des Algériens depuis le début de la colonisation «vous semblez oublier'' que, pendant la guerre de libération de l'Algérie, le gaz (Vx et Sarin) a été utilisé (références des témoignages concrets publiés sur mon site personnel). L'armée a aussi utilisé le napalm: entre 600 et 800 villages détruits. En novembre 2004, j'ai eu l'occasion de visiter les ruines du village de Zaâtcha, du moins ce qu'il en reste: c'était un village de 800 habitants (hommes, femmes, enfants) qui ont été brûlés vivants. Il est possible de voir sur mon site les images que j'en ai ramenées. C'est terrifiant, et le musée souvenir, ainsi constitué, en montre l'horreur. Ce sont donc 600 à 800 Oradour-Sur-Glane dont la France porte la responsabilité», a-t-il témoigné. Pouillot n'oublie rien de l'horreur des crimes coloniaux et il tente de les citer tous en rappelant le 8 mai 1945, le Massacre au métro Charonne à Paris, les camps d'internement, les essais nucléaires du Sahara, les viols, les «crevettes Bigeard»...C'est pour tous ces crimes que Henti Pouillot demande la reconnaissance. Quant à l'ouverture des archives - engagement pris par le président Macron pour une partie de ces documents - le défenseur des droits de l'Homme a fait savoir que, pour la période de son passage à la villa Sésini, «l'armée a généralement 'oublié'' de consigner ou adapté'' son fichier concernant les Algériens qui sont «passés» par la villa Sésini. D'ailleurs, ce fichier «a été jeté et brûlé dans le jardin de cette villa le 20 mars 1962». Il ne reste donc que la mémoire vive qui perpétue le souvenir de l'horreur vécue par les Algériens dont les voix étaient étouffées à l'époque par la torture.