Condamné à sept ans de prison ferme, le journaliste vedette d'Al Jazeera estime être victime d'une «conspiration». Quelques jours seulement après son inculpation par le juge madrilène des affaires terroristes, Taysir Allouni, le journaliste vedette de la chaîne de télévision satellitaire Al Jazeera, donne sa version des faits dans un communiqué adressé à ses anciens collègues. «Je ne sais pas si les gens ont bien regardé le texte du verdict de mon procès, rendu public sous le n°35-01 ou non, mais je doute fort que beaucoup l'auraient fait, parce que le lendemain du procès, ou deux jours après, les médias se sont tus définitivement, comme si de rien n'était». Les textes du procès renseignent bien et sans aucune ambiguïté que le verdict s'est appuyé sur ce qu'il a qualifié de ‘‘signes'' de ‘‘contexte'' ou des ‘‘indices'', c'est-à-dire sur des présomptions non sur des preuves. En termes clairs, le tribunal a condamné dix-huit personnes à des lourdes peines allant de 6 à 27 ans de prison sans qu'il existe des preuves tangibles à leur inculpation, mais en s'appuyant sur des déductions dont les résultats ne sont pas la vérité. Le principal inculpé, Imad Barakat «Abou Dahdah», a écopé de 27 années de réclusion, dont 12 pour son appartenance à un groupe terroriste en tant que membre dirigeant et 15 pour le chef de complot en vue de perpétrer des actes de terrorisme. Le texte de loi qui a servi de base à cette inculpation date de l'époque du dictateur Franco. Dans ce texte, il est dit: «C'est la connivence entre deux personnes ou plus pour perpétrer un acte de terrorisme». La question est de savoir qui sont ses autres complices, alors qu'il a été clairement établi que «Abou Dahdah» n'a eu aucun lien, aucun contact avec un des auteurs des attentats du 11 septembre. Revenant sur les circonstances qui lui ont permis de décrocher le «scoop mondial» en fin 2001 avec l'entretien réalisé avec Oussama Ben Laden en Afghanistan, Taysir Allouni dit: «Il m'a été reproché mes relations avec deux membres d'Al Qaïda en vue d'avoir des informations de première main, en échange d'aide que je leur aurais fournie.» «Il s'agissait de Mohamed Bahaya et Mustapha Set Meryem. Pour le premier, il m'est reproché de l'avoir aidé en lui permettant de donner une fausse résidence (la mienne) en vue d'obtenir un renouvellement du visa en Espagne et de lui rapporter 4000 dollars en Afghanistan, où il se trouvait.» «En fait, pour la résidence, c'est un procédé auquel recourent tous les Arabes expatriés en vue de s'entraider. Pour l'argent, c'était une dette que lui devait un client, somme que je n'ai fait que transmettre.» «Concernant Mustapha Set Meryem, le juge dit, sans les préciser, que je lui aurais rendu des services. En fait, je l'avais invité chez moi en Espagne, une seule fois, au début des années quatre-vingt-dix». «En Afghanistan, j'ai rencontré Bahaya et Set Meryem en de rares occasions uniquement. C'était pour leur demander des informations sur les Talibans et sur les «Afghans arabes», mais ils n'étaient pas ma seule source d'information.» «La rencontre avec Ben Laden n'a pas eu besoin d'intermédiaire. Ce n'est ni Bahaya, ni Set Meryem qui ont intercédé, comme l'affirme le procès. C'est Ben Laden lui-même qui a choisi de donner l'interview, en précisant lui-même le jour et l'endroit. C'était, en fait, une surprise.»«(...) En réalité, malgré tous les indices favorables, je n'étais pas tranquille: je sentais qu'ils allaient m'inculper (...). Le procès n'a pas été juridique, mais politique (...) J'entre en prison la tête haute parce que je n'ai commis aucun acte blâmable (...) Je suis convaincu que la cause de mes déboires réside dans mon travail journalistique qui a beaucoup dérangé.»