Elle se vendait durant le Fibda à 2900 DA. Un prix un peu excessif diront certains, mais la qualité y était indéniablement d'autant que l'esthétique combiné à la thématique en faisait une oeuvre à ne pas rater. Sujet délicat, mais raconté avec soin, Algériennes 1954-1962 nous plonge dans la guerre d' Algérie, mais cette fois vue sous le prisme féminin. De nombreux témoignages tout aussi bouleversants qu'émouvants recueillis aussi par une femme, fille d'un soldat, appelé ayant participé à cette guerre. Présent durant le Fibda, l'auteur de cette BD était accompagné aussi de son dessinateur. Il nous parle ici de ce récit et du choix de cette histoire qui n'en finit pas de faire couler beaucoup d'encre... L'Expression: Pourriez-vous présenter à nos lecteurs la bande dessinée que vous avez dans les mains et qui a trait aux femmes algériennes de 1954 à 1962? Swann Meralli: Je suis scénariste de bande dessinée. Et lui, c'est le dessinateur, il s'appelle Zac Deloupy. Cette BD parle de la guerre d'Algérie sous le prisme du regard de plusieurs femmes. Une période dont on parle très peu en France. J'ai trouvé cela assez original de donner la parole à des personnes qui n'en ont pas eu beaucoup dans l'Histoire. C'est parti de là. Béatrice, 50 ans, une enfant d'un soldat français, appelé qui n'a jamais parlé de cela avec son père et qui, devant son mutisme, décide de faire un tour en Algérie pour comprendre ce qui s'est passé. Elle va récupérer le témoignage de différentes femmes qui auront des points de vue différents sur la guerre. Il y aura d'abord une fille de harki, après une résistante, puis une pied-noire et encore une résistante. Chaque témoignage raconte un point de vue différent sur la guerre, raconte leur histoire personnelle. Tous les témoignages sont inspirés de témoignages réels. Personnellement je n'ai pas vécu la guerre. Je suis trop jeune pour ça. Je ne suis pas algérien. J'ai pris plein de témoignages que j'ai dû après édulcorer et remixer. D'où vous sont venus ces témoignages? D'abord, j'ai fait ce livre par curiosité personnelle. J'ai vu plein de documentaires et lu plein de livres. J'ai découvert une période passionnante de laquelle je connaissais si peu de choses. J'ai voulu partager ces choses que j'ai découvertes. Pourquoi via le regard de femmes? Quitte à parler d'une histoire qui est tue en France j'ai voulu donner la parole à une personne qui n'en a pas forcément. En termes d'histoire je n'aime pas trop qu'on parle des grands faits de guerre ou des grands faits politiques. Et si je devais parler des gens de tous les jours, quitte à parler des femmes qui peuvent nous donner des informations peut-être différentes.. Un mot sur le dessin utilisé dans la bande dessinée. Mon ami Zac Deloupy qui habite à Saint-Etienne a été immédiatement intéressé par le sujet de la bande dessinée que je lui ai proposé. Son travail consiste à crayonner chacune des cases séparément, il les scanne toutes, il les recompile sur ordinateur, pour trouver l'ordre, ensuite le sens, puis il réimprime son story-board et là il fait l'encrage. Les couleurs viennent à la fin et sont faites sur ordinateur. On fait l'ensemble du story-board et comme ça on peut retrouver le texte, faire des allers-retours sur les séquences, apporter des idées. Par exemple, on s'est rendu compte qu'on n'avait pas parlé de la campagne algérienne alors que la France a utilisé le napalm avant la guerre vietnamo-américaine, alors on a décidé d'y introduire le napalm et compléter l'histoire. Quand tout est prêt on fait l'encrage et on choisit les couleurs. Au départ, j'avoue que je voulais faire quelques témoignages sous le crayon de différents dessinateurs amis. Mais après avoir discuté avec l'éditeur, on s'est dit qu'un seul dessinateur serait mieux. Que des témoignages anonymes seraient mieux aussi. Que c'était mieux que de s'inspirer de témoignages réels. J'ai pioché des choses chez les uns et les autres pour ne pas que cela soit une personne en question. Ça s'est donc fait naturellement que je choisisse Zac Deloupy pour le dessin. La bande dessinée est sortie dans la collection Marabulles qui fait partie des éditions Marabout qui appartient à Hachette. Pourquoi justement la guerre d'Algérie et est-ce que cette BD a marché en France? L'histoire de la France et de l'Algérie sont intiment liées. Apres j'ai plein d'amis qui sont d'origine algérienne. Cela fait partie de l'histoire de la France aussi forcément. Je trouve dommage qu'on soit focalisé sur certains tabous alors qu'il y a énormément de ponts qui existent déjà en fait et qui devraient se renforcer davantage entre l'Algérie et la France. Il s'agit d'apporter des témoignages de personnes pour les comprendre, pas pour les juger. Laisser au lecteur de faire son propre jugement en tout cas. Que les gens en parlent. Oui, la BD a bien marché en France. Pendant les ventes-dédicaces il y a beaucoup de Français d'origine algérienne qui viennent nous parler. Qui ont vécu l'exil d'une certaine manière ou qui sont issus de l'émigration, mais aussi des Algériens qui sont de passage, sans oublier les enfants ou petits-enfants de soldats, appelés, qui viennent nous voir. Ce qui est sûr, c'est qu'il y a un besoin d'en parler. Et pour ça je sais que la BD est bien faite, au moins elle délie les langues. Ça démystifie l'histoire et ça permet aux membres des familles de parler de cette guerre entre eux, avec leur père, leur mère... C'est ce qu'il y a de mieux dans cette BD.