La présente édition du Salon international du livre d'Alger a cette particularité d'annoncer la couleur et de placer le livre dans une perspective à tout le moins rassurante. Tous les éditeurs présents à la Safex s'accordent pour dire combien la mission de ce moyen d'expression est capitale. Ils rejoignent en cela la définition qui en a été donnée par l'Unesco. Surtout lorsque cet organisme emblématique des Nations unies soutient, à juste titre d'ailleurs, que le livre est un moyen séculaire de répandre, partager et préserver l'information et la connaissance. Facteur d'intégration et fer de lance de la liberté d'expression le livre, renchérissent certains esprits bien-pensants, est le socle de toute vie sociale et citoyenne. En cela, les éditeurs algériens rejoignent leurs homologues de l'Hexagone mettant irrémédiablement l'accent sur le fait avéré que le livre et la lecture sont des enjeux de civilisation. Ce qui explique outre mesure leur indignation s'agissant des taxes et de l'augmentation des charges locatives des stands du Sila car, tout comme notre confrère Azeddine Idjeri, ils ne sont pas loin de penser que le livre et la lecture constituent des passerelles certaines entre le passé et le présent et le rapprochement des peuples. Des passerelles qui permettent d'enjamber «les parapets érigés sur les remparts de l'ignorance, de la différence et, parfois, de l'indifférence, pour que des populations et des identités distinctes se reconnaissent à travers un bien commun: la culture et la connaissance universelles». Or, le seul legs et la seule richesse que nous puissions confier à notre voisin sans jamais perdre un brin de sa valeur, soutient la même source, c'est bien un livre. Bien qu'il advienne épisodiquement que certains récits n'aient pour seule vocation que de diffuser la parole médiocre, les livres, qu'ils soient adoptés dans leur langue empruntée, qu'ils soient traduits fidèlement aux messages qu'ils tentent de faire passer, ne subsisteront et ne résisteront aux temps qui passent qu'à travers ceux qui les font vivre dans le partage, une notion qui résume par elle-même l'essence de l'humanité. Est-ce pour cette raison que le Syndicat national des éditeurs du livre (Snel) considère qu'il est temps de réhabiliter le Sila en commençant par ses mécanismes d'organisation et ses méthodes de gestion et de direction en vue de lui donner un rôle national pour servir le lecteur, l'auteur et l'éditeur algériens? Bouleversement de l'écosystème du livre Dans le même ordre d'idées et à chaque fois que l'occasion de s'exprimer lui est donnée, le Snel s'étonne que le décret portant création de l'Observatoire national du livre ne connaisse pas un début d'application au moment même où la mission du Centre national du livre semble prisonnière d'un flou artistique que l'absence d'une véritable stratégie rend de plus en plus opaque, soutient un invité de la chaîne satellitaire algérienne A3 dans une émission consacrée au Sila Si l'on se réfère à de nombreuses sources concordantes, il apparaît clairement que le devenir de la lecture et du livre dans notre pays doit relever de la compétence de toutes les institutions et instances nationales à l'effet de bénéficier d'une intégration à tous les projets nationaux et locaux. A un moment où les mutations de l'écrit, la numérisation des oeuvres d'un côté et le commerce en ligne de l'autre, entraînent un formidable bouleversement de l'écosystème du livre, il est impératif d'opérer une remise en question salutaire entre ce qui relève des idées préconçues et à sens unique et un débat démocratique seul en mesure de permettre d'arrimer le livre à tout ce qui est en relation avec les projets de société émancipateurs. Trier le bon grain de l'ivraie procède de cette logique et ce n'est pas sans raison si Hamidou Messaoudi semble accorder une place importante à la réflexion à la base de toute créativité intellectuelle. De nombreux intervenants ont été mobilisés pour la circonstance et ils viennent du pays organisateur comme de l'étranger: «Comme chaque année, les activités du Sila seront aussi riches que variées. Plusieurs personnalités viendront débattre de thèmes précis, présenter et dédicacer leurs ouvrages. Il est attendu entre autres la venue de l'ancien ministre égyptien de la Culture ou encore de l'ex-ministre palestinien de la Culture, Yahia Yakhlef.» Pour le commissaire de l'actuelle édition du Sila, il va sans dire que les conférenciers algériens seront en force. Pas moins de 61 écrivains et auteurs algériens participeront à cette 23e édition aux côtés de 21 invités étrangers. Une forme de reconnaissance Des auteurs, il y en aura au Sila, en quantité et en qualité, d'année en année ils sont nombreux à attendre cet événement pour un bain de foule, y présenter un livre ou tout simplement estimer sur place l'intérêt qu'ils suscitent. Si pour certains d'entre-eux cette participation procède d'une règle à suivre, bien d'autres considèrent que c'est un passage obligé en relation étroite avec la reconnaissance du statut d'écrivain. De ce fait, bien plus qu'un instrument de promotion, il semblerait que la participation à un Salon du livre, soutiennent certains observateurs avertis, soit considérée comme une forme de reconnaissance, voire comme une pratique distinctive. «D'une certaine manière, ils viennent y chercher le constat et l'assurance qu'ils sont lus et qu'ils ont un lectorat. Autrement dit, la pratique des salons rassure parce qu'elle confirme aux auteurs qu'ils appartiennent à la catégorie, à la «communauté des écrivains». Pour de nombreux auteurs l'impression d'être inséré dans la société est vite donnée. C'est ce qui a fait dire à un de leurs confrères «Je crois que quand on écrit, on est très seul et donc je trouve que c'est quelque chose qui est rassurant. On a l'impression qu'on fait partie d'une communauté quand même. C'est très important de se dire qu'on est dans la vraie vie avec des vrais gens. C'est quand même quelque chose de fondamental sur le plan humain. L'histoire du lien c'est vraiment important: que tout le monde se retrouve à un moment donné au même endroit». A l'évidence, le slogan retenu cette année pour les besoins de cette 23ème édition du Sila trouve notablement son plein sens. «Lire ensemble», à l'unisson des voix c'est ce qu'il y a de plus merveilleux pour une manifestation dont la force capitale est l'engouement populaire, la dimension humaine et la dimension humaine seule. [email protected]