Rencontré à la sortie de la mosquée «El Forkane» de Bab Ezzouar, Madani Mezrag affichait un visage exubérant des grands jours. La veille, il avait eu une discussion de deux heures avec Abdelaziz Belkhadem, ministre d'Etat, représentant personnel du président Bouteflika et secrétaire général du FLN. Et les discussions ont été des plus sérieuses, parce qu'elles ont tourné autour du projet d'amendement de la Constitution, la loi sur les partis politiques et l'avenir du projet de charte pour la paix et la réconciliation nationale. Le souhait de Mezrag est celui de «replacer l'islamisme politique dans sa famille originelle: le courant nationaliste». Pour l'ancien chef de l'AIS, l'islamisme politique avait été trituré, déformé, et de ce fait détourné de sa propre famille, dans laquelle il a pris naissance et a grandi, c'est-à-dire la «grande famille révolutionnaire». Cette formule puisée de la terminologie du FLN signifie bien évidemment le courant nationaliste. Ce projet se veut un cadre à toute action politique légale, car il tiendrait lieu de plate-forme consensuelle entre les partis en souscrivant au «respect des lois, de la religion et des constantes de la nation», que le peuple défendra bec et ongles. Ce projet permettra aussi à l'Etat d'être à l'abri des dérives politiques, «aussi bien de la part des laïcs que des islamistes radicaux». Concernant les avancées «pénibles» de la charte pour la paix et la réconciliation nationale, Mezrag estime qu'en fait, elle n'est pas encore entrée en vigueur, et que les résultats récoltés çà et là sont plus des effets d'efforts personnels consentis par certains et de contacts antérieurs qui ont abouti. «Les effets de la charte apparaîtront dans deux mois, avec l'application des textes. Je suis très optimiste et je vous assure que la violence armée est une question de jours et de volonté». Des contacts avec les groupes du Gspc existent-ils? «Bien sûr, mais il faut que tout le monde se convainc de la nécessité d'oeuvrer pour la paix. Or, ce n'est pas encore le cas. Témoin la flambée de violence constatée depuis l'annonce du projet de charte pour la paix...» Hassan Hattab est-il en trêve? «Franchement, je ne saurais être précis. Je sais par exemple qu'il était disposé à déposer les armes et à s'engager dans une solution négociée. Mais là, les donnes changent. Remarquez qu'il n'est plus émir, qu'il est devenu soldat, qu'il a été mis en minorité. S'il avait fait une scission au sein du Gspc et pris la tête d'un important groupe, cela aurait eu un impact considérable pour la suite des choses, mais là, il n'est plus qu'un homme, qui a certes son poids, mais qui ne peut plus influer sur le cours des événements à venir...» Pour les dirigeants du FIS dissous encore à l'étranger, il dit: «Beaucoup, comme Kébir ou Ould Adda, peuvent rentrer chez eux à n'importe quel moment. Ce sont des hommes qui travaillent en faveur de la paix depuis de longues années. Pour les autres, je cite par exemple Anouar Haddam, le mieux est d'attendre les textes de loi dans la sérénité après quoi les choses seront claires pour tous.» Apparemment soucieux de ce que vont faire les rédacteurs des textes de lois portant charte pour la paix et la réconciliation nationale, Madani Mezrag a fait une visite inopinée chez Malek Serraï, en vue de s'informer sur ces points précis. Selon une source bien informée, les discussions ont porté sur les prochains textes de loi et Madani Mezrag a demandé des explications et des éclairages, tout en émettant le souhait «que les bâtisseurs de cette paix soient justes, oeuvrent pour la réconciliation et ne laissent pas place aux interprétations bellicistes ou erronées».