Le tribunal de Relizane a abrité, hier, le procès Hadj Smaïl, représentant de la Laddh qui était poursuivi sur la base d'une plainte pour diffamation déposée par l'ex-DEC, Hadj Fergane. La salle du tribunal s'est avérée trop exiguë pour contenir les familles de disparus venues d'Alger, d'Oran et de Relizane et qui voulaient faire de ce procès celui de ceux qu'elles considèrent comme les auteurs du rapt et de l'exécution sommaire de leurs enfants. Le procès, qui a duré près de 4 heures, a été marqué par la présence de M.Khmaies K'sila, représentant tunisien de l'Observatoire de défenseur des défenseurs des droits de l'Homme, dépêché par la Ligue internationale des droits de l'Homme en mission de reconnaissance. Hadj Smaïl appelé à la barre a fourni une longue liste de témoins pour casser l'argument de diffamation, base de la plainte déposée par Hadj Fergane. Pour la première fois, des témoins, membres des familles de disparus, mettront en cause directement les éléments des milices créées et commandées par l'ancien patriote et DEC Hadj Fergane. Plusieurs reconnaîtront en lui, l'auteur des enlèvements signalés à Relizane. Certains témoins affirmeront qu'il avait monté des milices qui enlevaient et procédaient à l'exécution sommaire de tous ceux qu'elles considéraient comme membres des groupes terroristes. Deux témoins ont affirmé que Hadj Fergane s'était substitué aux institutions de la République en enlevant et en exécutant sans aucune forme de procès, des citoyens dont le seul tort était qu'ils ne partageaient pas ses idées. Pour la première fois dans les annales de la justice algérienne, un tribunal accueillait des patriotes ainsi que des terroristes repentis, venus témoigner, apporter un éclairage sur un sujet considéré, il n'y a pas si longtemps, comme tabou. Hadj Fergane, pour se disculper des accusations portées contre lui par l'opinion publique locale et internationale, ne trouvera d'autres issues, pour ce faire, que de présenter au tribunal trois terroristes repentis. Ces derniers ont affirmé que le groupe dans lequel ils activaient est responsable de l'élimination de l'ancien moudjahid Chahloul, qui faisait partie des groupes mis sur pied par l'ex-DEC de Relizane. On se rappelle que des anciens moudjahidine avaient ouvertement accusé Fergane d'avoir assassiné Chahloul. Ils avaient révélé, au moment de l'éclatement de l'affaire, que le défunt était sorti en reconnaissance avec Hadj Fergane et ses hommes qui l'auraient froidement abattu d'une balle dans la nuque. Hadj Fergane présentera ce cas pour faire lever toutes les accusations d'enlèvement, séquestration et assassinat qui pesaient sur lui. Cette sortie a été qualifiée d'inopportune par bon nombre de présents, qui ne voyaient pas comment le plaignant (Hadj Fergane, Ndlr), au lieu de présenter des éléments prouvant la diffamation, était en train de présenter un argumentaire qui ne peut lui être d'aucune utilité pour appuyer sa plainte. Les avocats des deux parties tenteront, chacun à sa manière, de défendre leurs clients. Si pour celui de Fergane, l'essentiel était dans le rejet de toutes les suspicions dans les cas d'exécutions sommaires et de disparitions recensées dans la région de Relizane, pour celui de Hadj Smaïl, le plaignant devait fournir les éléments prouvant la diffamation. Le représentant du ministère public, au terme de son réquisitoire, demandera un an de prison ferme et 5.000 DA d'amende contre Hadj Smaïl. Bon nombre de présents n'ont pas manqué de relever le fait de voir des terroristes repentis, des patriotes, des familles de victimes du terrorisme et celles des disparus assises côte à côte dans la salle du tribunal. Cela a été qualifié d'éléments prouvant que la société a cassé des tabous et qu'elle montre des signes d'ouverture qui peuvent être favorables à un débat serein.