La disposition touchera essentiellement la clientèle qui a mûri à l'ombre du système. Les propriétaires de biens immobiliers seront astreints à payer annuellement au moins trois millions de dinars. Dans l'une de ses dispositions, la loi de finances 2006 exige en effet, des propriétaires de villas et de résidences particulières le versement d'une taxe dénommée «impôt sur la fortune apparente». Variant entre 0,25 et 2,5%, cette redevance est imposable aux biens immobiliers dont la valeur estimée dépasse les vingt millions de dinars (deux milliards). En revanche, elle ne concerne pas les logements dans des immeubles qui, pourtant au niveau de certains quartiers résidentiels, peuvent largement dépasser cette somme de 2 milliards. Des membres de la commission des finances au niveau de l'APN affirment que cette nouvelle taxe est loin de faire l'unanimité entre les membres de la commission même si l'opposition n'a pas été frontale avec le grand argentier du pays, Mourad Medelci. L'application de cette loi implique des considérations purement pratiques. D'abord, pour deux cas au moins, l'application de cette loi, si la loi de finances est adoptée par les députés, risque de poser un problème de jurisprudence. Aussi, les villas coloniales cédées par les domaines au lendemain de l'indépendance, à des particuliers à raison de 20 millions de centimes seront-elles concernées par cette taxe? Les villas et les résidences haut standing cédées au dinar symbolique par l'Etat seront-elles également concernées? «Les propriétaires de ces biens seront en principe exonérés de cette taxe puisque l'estimation de l'Etat lui-même a été le dinar symbolique ou tout au plus 200 millions de centimes», fait remarquer ironiquement un membre de la commission des finances à l'APN. Ensuite, la commission qui sera chargée de répertorier ces biens immobiliers n'aura pas la tâche facile. Le département de M.Medelci à qui échoit ce travail pour le moins titanesque, a-t-il les moyens humains et matériels pour cette «mission». En somme, un travail titanesque attend les services concernés et chargés de la collecte de cette taxe. Il est vrai que les recettes ne seront pas négligeables tant elles sont estimées à des milliards de dinars, mais encore faut-il avoir les moyens pour ramasser cette fortune. Le temps, un personnel qualifié et un fichier national détaillé de l'immobilier. Il faut admettre en outre, que d'autres écueils se dresseront devant l'application de cette loi. Il y a d'abord les considérations purement pratiques. Comment et sur quelles bases la structure, qui serait probablement rattachée aux services du ministère des Finances, va-t-elle estimer les appartements, expertiser et évaluer les biens immobiliers, fixer et connaître leur valeur sur le marché? Par ailleurs, cette commission aura-telle suffisamment de prérogatives pour ouvrir des enquêtes sur des biens douteux qu'elle rencontrera certainement sur le terrain? Aura-telle la latitude de remonter le filon de ces fortunes illégalement acquises? Il n'est un secret pour personne que le trafic au niveau de l'immobilier a atteint des proportions inimaginables. Le phénomène s'est particulièrement aggravé durant la période trouble du terrorisme où de grands détournements de l'immobilier ont été opérés dans l'impunité la plus totale. Des résidences, des villas à la valeur inestimable ont été accaparées par trafic d'influence. Voilà une boîte de Pandore dont l'ouverture risque de soulever un tollé général pour une raison simple : les propriétaires de biens immobiliers de cette catégorie ne sont évidemment pas de simples personnes, ils n'appartiennent pas à la plèbe. Il s'agit essentiellement de générations mûries à l'ombre des différents systèmes qui se sont succédé depuis l'indépendance, de personnalités de haut rang, de hauts gradés et d'autres responsables de l'Etat qui ont profité de la générosité du système. Evidemment un pareil personnel, avec des relais supposés dans les sphères du pouvoir et de l'administration ne restera pas inerte vis-à-vis d'une pareille loi qui le touche directement.