L'auteur est allé plus loin que toutes les autres en liant le corps à la terre. Le forum «Femmes Méditerranée» de Marseille a récompensé cette année une jeune Algérienne pleine de talent pour sa nouvelle Ils sont passés sur mon corps. Le concours s'adresse à des femmes vivant dans les pays du pourtour méditerranéen . Il dépend d'une association française créée en 1993 par Esther Fouchier et appartient à un réseau international soutenu par l'Unesco. Les fondements de l'association se basent sur les droits des femmes et sur l'élaboration de projets de coopération entre les deux rives de la Méditerranée. La rencontre qui se tient chaque année sous un thème précis, a choisi cette fois le corps comme sujet littéraire. Trois Algériennes on été nominées, dont Faïza Mustapha qui a obtenu le prix d'excellence pour Ils sont passés sur mon corps, ainsi que Almaza Hodzic pour la Bosnie, Pinka Heristova pour la Bulgarie et Ana Stimac pour la Croatie. Le grand prix est revenu à la Turquie avec Les larmes qui sentent la pluie de Nibel Genc. Daouia Karbiche et Zahra Mebarek ont pour leur part raflé un prix d'encouragement tandis que Yamina Farida Lemaï a obtenu le prix de témoignage faisant ainsi de l'Algérie le pays maghrébin le plus récompensé. En effet, Faïza Mustapha qui est déjà directrice de la revue culturelle de la Bibliothèque nationale, Athakafa est l'une des jeunes figures littéraires qui nous promet bien des surprises. «Nous avons terminé le nouveau numéro de la revue qui a opté pour la poésie algérienne comme thème principal cette fois et nous avons élargi le débat lors d'une grande conférence poétique qui fut animée par plusieurs poètes algériens toutes tendances et générations littéraires confondues depuis les grandes figures jusqu'aux jeunes qui commencent à émerger.» Dans sa nouvelle qui tire son titre d'un poème de Mahmoud Darwich, Faïza raconte la souffrance du corps féminin vis-à-vis de la patrie. L'héroïne traquée supporte la douleur de la chair assez bien, mais ne peut supporter la douleur de l'exil: «Ma grand-mère me court après en hurlant pendant que les ouvriers retirent leurs mains, les flammes montant du tonneau sous l'effet de la combustion des feuillets du passeport.» Faïza Mustafa est allée plus loin que toutes les autres et a lié le corps à la terre . Cependant, les autres concurrentes sont restées très étroitement attachées à la souffrance du corps de la femme sous l'effet de la violence avec ses différents aspects, et quelques-unes ont pris la mort, la disparition du corps comme thème. Le début de sa nouvelle est empreint de douceur et de nostalgie: «Parce que je suis femelle, j'endosse la peau de l'éloignement en guise de linceul. La mort venue de là-bas me fait sentir l'exil pareil aux senteurs de la mer taquinant les narines des pêcheurs. Des décennies durant, la passion de l'Orient a gravé dans mon souffle son zéphyr.» Le texte est riche en sensations et en matière historique et mythologique; plusieurs passages décrivent d'autres lieux et d'autres personnages historiques de Marie Magdala à Najib Mahfoudh, qui était présent à travers son oeuvre littéraire Le Karnak. On notera même la beauté de l'hommage de Faïza Mustapha à Souad Hosni: «Il était logique que l'actrice Souad Hosni se suicidât à la place de Zeineb (l'héroïne du film Karnak). Le public lui tourna le dos après l'avoir adulée pour sa taille élancée et sa beauté envoûtante», écrit l'auteur Faïza Mustapha dans sa nouvelle. Dès son jeune âge, Faïza s'est sentie attachée à ses origines. Elle confie que cette récompense n'est point considérée comme un exploit personnel: «C'est pour mon pays», dit-elle. Un pays qui a été largement mis à l'écart dans les différents débats culturels à travers le monde et n'a jamais cessé de rêver et de combattre pour une révolution littéraire et culturelle tant attendue. Faïza qui revient de Marseille nous explique: «En France, tu sens qu'ils sont plus profonds et plus larges en matière de critique». Elle affirme aussi avec fierté que l'Algérie est bien placée depuis quelques années. Sur son ordinateur, on pouvait apercevoir une belle image de l'Algérie et toute la nostalgie d'une femme qui s'évade du vide des choses qui entourent notre culture et va à grands pas vers la liberté de la pensée et de l'âme.