Une société en crise La colère qui gronde partout dans le pays ne pouvait rester ignorée, en cette période de commémoration, et de la crise sociale qui menace de s'aggraver Il y a 8 ans, un jeune vendeur ambulant, humilié par une policière, s'était immolé sans savoir que son geste allait provoquer une véritable révolution dans le pays au point d'emporter le régime du président Zine el Abidine Ben Ali. Le même geste de désespoir a entraîné la mort d'un journaliste, la semaine dernière, à Kasserine, le jeune homme voulant protester contre le chômage, la pauvreté et la corruption, ce qui a déclenché une série de manifestations et d'échauffourées dans le centre du pays. Hier, c'était Mohamed Bouazizi, le 24 décembre dernier, c'était Abderrezak Rezgui, deux gestes identiques dans l'expression du désespoir face à l'impuissance, d'autres disent, l'inefficacité du pouvoir politique qui passe beaucoup plus de temps à des empoignades pour des intérêts égoïstes que pour une relance de l'économie. Le geste de Rezgui a été ressenti comme un déclic, voire un rappel à l'ordre et c'est le sens de la réunion convoquée en toute hâte au palais de Carthage par le président de la République Béji Caïd Essebsi. La colère qui gronde partout dans le pays ne pouvait rester ignorée, en cette période de commémoration, et la crise sociale qui menace de s'aggraver a de quoi donner des sueurs froides aux dirigeants si occupés à vendre la toile de la jeune démocratie tunisienne dont la majeure partie du peuple semble bel et bien revenue, tant la corruption fait des ravages. Certes, ce n'est pas là l'apanage de la seule Tunisie, bien au contraire. Mais il devient urgent et nécessaire de trouver une réponse effective à la crise économique et sociale qui mine le pays. C'est pourquoi le chef de l'Etat a convoqué vendredi dernier à Carthage une réunion à laquelle participaient le président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP) Mohamed Ennaceur, le chef du gouvernement Youssef Chahed, le secrétaire général de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) Noureddine Taboubi, le président de l'Union tunisienne de l'industrie, du commerce et de l'artisanat (Utica) Samir Majoul ainsi que les présidents des partis politiques et blocs parlementaires qui soutiennent le gouvernement. A cette occasion, le président a mis l'accent sur la détérioration de la situation économique et sociale et l'exacerbation de la tension politique, sans parler du contexte sécuritaire délicat. Face aux multiples menaces qui visent à affaiblir les institutions, sinon leur intégrité, Caïd Essebsi a prôné le dialogue entre toutes les parties, en privilégiant l'intérêt national. Il faut, a-t-il insisté, veiller à rester loin des calculs politiques étroits, et travailler à des solutions radicales à même de résoudre la crise actuelle, quitte à prendre des décisions courageuses pour redonner l'espoir aux Tunisiens, préserver la transition démocratique et protéger l'Etat. S'il a été entendu, rien ne garantit pour l'instant qu'il sera effectivement écouté. Car, la presse tunisienne ne le cache guère, la réunion extraordinaire n'a enfanté aucune décision de quelque nature que ce soit.