Des crimes qui dépassent l'horreur La question des crimes contre l'humanité durant la colonisation se greffe au «grand débat national» initié par le président Macron. La France est sur un chaudron actuellement. Le mouvement de contestation des «Gilets jaunes», qui portait des revendications sociales et salariales a pris une tournure politique. Le gouvernement français est depuis, dans une tourmente inédite, proche de la déflagration. Un grand débat national «sans tabou» a été lancé par le chef de l'Etat français, Emmanuel Macron, pour tenter de désamorcer cette crise. Une opportunité saisie par le militant anticolonialiste Henri Pouillot pour adresser une missive au locataire de l'Elysée, en sa qualité de témoin des exactions commises par l'armée coloniale française pendant la guerre d'Algérie. «Témoin de la guerre de libération de l'Algérie comme appelé, affecté à la villa Susini (de juin 1961 à mars 1962), j'ai eu l'occasion de constater de très nombreuses exactions commises dans cette période par l'armée française (en particulier la torture), des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre, des crimes d'Etat commis au nom de la France», a écrit Henri Pouillot qui milite ardemment pour la reconnaissance de ces crimes par la France officielle. Son message a été publié sur son blog il y a tout juste une semaine. Il y a trois mois, «vous avez enfin, au nom de la France, condamné le système institutionnalisé de la torture dans cette période dans 'l'affaire Maurice Audin''», a-t-il souligné. Le 11 juin 1957 Maurice Audin, jeune mathématicien de 25 ans, aux faux traits de Rimbaud, sera arrêté. Totalement engagé pour l'indépendance de l'Algérie jusqu'à en mourir. Il sera torturé puis assassiné par l'armée française qui fera disparaître son corps. Le 13 septembre 2018, le président français se rend au domicile de sa veuve pour lui remettre une déclaration reconnaissant que son époux est «mort sous la torture du fait du système institué alors en Algérie par la France». Un assassinat pour lequel il demandera «pardon» à Josette Audin. La Guerre d'Algérie dans tous ses états. La Guerre d'Algérie dans ce qu'elle recèle en elle de plus atroce, de dramatique et d'inhumain. L'ancien appelé affecté à la sinistre villa Susini, haut lieu de la torture en Algérie, témoin vivant des atrocités commises par l'armée coloniale, est submergé d'images insoutenables. Un besoin irrésistible de s'en soulager le taraude. «Notre génération d'anciens combattants a un impérieux besoin que les crimes contre l'humanité (tortures, viols, crevettes Bigeard, corvées de bois, camps d'internements -pudiquement appelés alors camps de regroupement-, essais nucléaires...), crimes de guerre (les 600 à 800 villages rasés au napalm, l'utilisation du gaz VX et Sarin...), crimes d'Etat (les massacres de Sétif/Guelma/Kherrata en mai 1945, massacres du 17 octobre 1961 à Paris, 8 février 1962 au métro Charonne à Paris...), commis au nom de la France soient reconnus comme tels et condamnés et qu'ils ne soient plus considérés comme ayant été les responsables de leur exécution», dira Henri Pouillot. «Quelle crédibilité la France peut-elle avoir au plan international pour donner des leçons de droits de l'homme tant qu'elle n'a, ni reconnu ni condamné, ces pratiques», s'est-il interrogé, rappelant au président Macron sa promesse de prendre des «actes forts sur cette période de notre histoire», le 5 mai 2017. Les enfumades, la torture, les bombardements au napalm, les exécutions sommaires...n'ont pas droit de cité. Ils remueraient le couteau dans la plaie et mettraient le doigt sur des atrocités que la mémoire sélective française a temporairement évacuées. La France officielle finira-t-elle par assumer son histoire? Celle qui l'a liée pendant plus de 130 années à l'Algérie: son ex-colonie. Le débat sera sans conteste passionné et le sillon tracé sera probablement encore long à parcourir pour une reconnaissance des massacres et des crimes commis par la France coloniale tant il ravive des plaies demeurées béantes. Des femmes et des hommes ont, envers et contre tous, décidé de porter la question au coeur de la société française tout en interpellant le plus haut sommet de la République. Henri Pouillot en fait partie.