«Effets de guerre» est le thème du nouveau cycle de longs métrages, initié dans le cadre du ciné-club par l'association culturelle Chrysalide. Pour entamer la sélection, un film de Martin Scorsese et pas des moindres, Taxi Driver de 1976 a ouvert, vendredi après-midi, le programme qui se veut une lecture et un déchiffrage des effets de guerre sur l'être humain dans le paysage cinématographique. Pour les organisateurs, en effet, la mémoire liée à la guerre est très souvent écrasante et semble emprisonner l'individu ou la société entière dans le souvenir toujours douloureux de la violence la plus abjecte : la censure et le non-dit aidant, s'ensuit le processus de refoulement et c'est en cela que le passé en guerre déborde sur le présent et se poursuit à travers le souvenir et se mue dans les sociétés alors en paix sous la forme de cas sociaux toujours difficiles à soigner, renvoyant aux autres les fantômes d'un passé plus présent que jamais. Dans Taxi Driver, Travis Bickle joué par l'inimitable Robert de Niro est un vétéran de la guerre du Vietnam. Il est chauffeur de taxi dans la ville de New York. Ses rencontres nocturnes et la violence quotidienne dont il est témoin lui font peu à peu perdre la tête. Après la guerre, point de promesses au rendez-vous ni honneur aux héros, seul, contre tous, Travis se retrouve face à cette réalité implacable de la hideuse face cachée du rêve américain. Ce désenchanté idéaliste se rattache par illusion à ce prétendu sénateur postulant pour être le futur président des Etats-Unis. Le slogan de sa campagne politique: «Nous sommes le peuple. Le peuple a trop souffert. C'est à lui de gouverner.» Une phrase qui n'est pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Chez cet homme hanté, habité par la guerre... Car à force d'être tout le temps sur la touche, «pressé» de l'intérieur sans perspective d'avenir ni bouée de sauvetage à laquelle il peut se raccrocher, le «cow-boy» de la ville décide de faire justice lui-même et nettoyer «la racaille» sur son passage. Blessé dans son amour-propre par cette femme, Betsy (cybill Shepherd) qui travaille au QG politique, l'homme se retourne contre lui-même et adopte l'allure et le comportement de tout fanatique extrémiste: changement d'apparence physique et d'appartenance sociale. En possession d'une armada d'armes, il se charge bientôt de délivrer une prostituée mineure de ses souteneurs. Une jeune comédienne débutante qui n'est autre que Jodie Foster. Une scène finale bourrée d' hémoglobine qui peint l'effroyable et effrayante descente aux enfers de Travis, dans la dérive de l'Amérique des années 70. Une aliénation nourrie par la solitude. Le justicier devenu héros de ces temps modernes, et retrouvant l'estime de soi, se réapproprie dès lors une raison d'être, juste une partie de lui-même en sauvant cette autre personne. Très intime et coloré, le film Taxi Driver, doué d'une réelle esthétique cinématographique, reste indémodable. Sa thématique est amplement actuelle. L'histoire de Taxi Driver, pour info, est tirée de l'expérience personnelle de l'écrivain Paul Schrader. Au début des années 70, l'écrivain, abandonné par sa femme, tombé au plus bas, n'arrivait pas à vendre son premier scénario. Pertinente à plus d'un titre, la thématique choisie par l'association Chrysalide vous promet de vous tenir en haleine jusqu'à la mi-décembre. Aussi, vendredi prochain, vous aurez droit à la projection de Hiroshima, mon amour (1h 31) d'Alain Resnais, la semaine suivante, Le petit soldat (1h 28) de Jean-Luc Godard, le vendredi 16 décembre, Kateb Yacine, l'amour et la révolution de Kamel Dehane (60 minutes) et Khawa de Malika Laïchour-Romane (40 minutes). Enfin, sera projeté le vendredi 23 décembre, Viva l'Aldjerie (1h 35) de Nadir Moknèche. A rappeler qu'un court métrage du même réalisateur (Scorsese) a précédé la projection du film. Il s'agit de The big shave, un film tout aussi ensanglanté...