La vérité du corps est le thème du nouveau cycle cinématographique de l'association Chrysalide, entamé vendredi dernier. Après Effets de guerre, l'association Chrysalide nous revient enfin avec un cycle nouveau de son ciné-club consacré, cette fois-ci, au cinéaste canadien, David Cronenberg. Le premier film de la sélection est Vidéodrome (1983), d'une durée de 1h27, avec James Woods, Déborah Harry notamment (chanteuse du groupe de rock Blondy). Le film met en scène la quête d'un directeur d'une petite chaîne de télévision, de programmes susceptibles de faire décoller son audimat. Il tombe un jour sur un programme pirate baptisé Vidéodrome où il prône des images de tortures et de violence non simulées qui provoquent de dangereuses hallucinations. Là, le fossé entre le réel et l'irréel s'ouvre jusqu'à aliénation mentale. Et si ce qu'on regardait à la télévision était plus vrai que la réalité? Etait-ce le prolongement naturel du réel, de nos sensations, nos rêves les plus enfouis, l'esprit dans ce cas serait plus fort que la matière. Mais quelle est la philosophie de ce programme qui, pourtant, est dangereux pour nous? Provocateur, sensationnel, Cronenberg prône paradoxalement en allant jusqu'à l'extrême de ce que peut projeter notre esprit, pour «voir» ce qu'il y a au plus profond de nous-mêmes, l'extrême-limite de notre puissance psychique et ce que peut contenir «éprouver» et supporter la chair, après la souffrance. Métaphorique à souhait, versant dans l'absurde et parfois dans le glauque et le grand guignol. Mais enfin, est-ce à dire que les images cathodiques que l'on avale pensent nourrir notre esprit? Oui, peut-être, à condition qu'elles ne nous conduisent pas à la folie, à l'éveil de notre imaginaire, de notre force mentale qui dirigent nos actes ou pensent les trahir. «L'écran est la rétine des yeux de l'esprit», dit-on dans le film ou encore « je suis l'écran de mon père ». Tout est sous-entendu et enchâssement. Emboîtement d'une image dans une autre. Le vrai cède le pas au faux. Ainsi de suite... Et si ce qui nous entourait était le fruit machiavélique de notre imagination, pire, d'un jeu extérieur malsain et nous-mêmes végétons à l'intérieur de cette matrice? Un thème déjà traité dans Matrix... Né en 1943 à Toronto, au Canada, David Cronenberg a d'abord été identifié au cinéma d'horreur. Son cinéma dépasse bientôt les limites du genre pour définir une approche personnelle qu'on pourrait qualifier d'horreur intérieure. Cronenberg construit une oeuvre d'invasion des consciences et des imaginations en misant sur l'horreur organique en quelque sorte, rendre beau le répugnant, ce qui traduit la quintessence de sa démarche. Revoir ses films, affirme Chrysalide, est l'occasion d'ouvrir toute grande la porte d'une oeuvre majeure du cinéma canadien et mondial et d'en découvrir la monumentale cohérence. Au programme vendredi prochain, Faux semblants, suivra Le festin nu le 10 février prochain. Enfin, le cycle sera clos par le film choc de Cronenberg salué par le Grand Prix du jury du Festival de Cannes en 1996, Crash. «Nous pensons contrecarrer le préjugé de certains films style série B ou gore et qui peuvent être intégrés dans un ciné-club parce qu'ils offrent matière à réfléchir... C'est un peu la modalité de Cronenberg qui est un peu en avance sur son temps dans chacun de ses films. En même temps, ses films sont très stimulants. On a choisi un de ses films les plus emblématiques», nous a confié le chargé de la programmation du ciné-club, Nassim Khedoussi.