Il s'agit d'assurer la protection juridictionnelle du citoyen là où elle est la plus nécessaire. Le Séminaire international sur la justice administrative a pris fin hier, après deux journées de débats. Des experts nationaux et internationaux sont intervenus à l'initiative du ministre de la Justice et ce dans le cadre de la concrétisation du programme de la réforme de la justice afin, souligne-t-on, de protéger les droits et libertés individuelles et collectives, ainsi que le renforcement de l'Etat de droit qui constitue inéluctablement un critère d'évolution de la bonne gouvernance. Parce que l'argent est le nerf de la guerre et que le plan de relance économique du président de la République prévoit d'ici les quatre prochaines années d'investir pas moins de 55 milliards de dollars, les séminaristes se sont penchés profondément sur un point crucial, à savoir les modalités d'octroi des marchés publics et les insuffisances de l'administration en matière de contrôle. D'après M.Kouroughli Mokdad, président de chambre au Conseil d'Etat, si la réglementation des marchés publics est particulièrement précise en ce qui concerne les formalités qui doivent précéder la conclusion d'un marché, il n'en demeure pas moins, avoue-t-il, que l'insuffisance des contrôles, qu'il soit exercé par l'administration contractante ou par une instance extérieure, comporte de réelles limites. La réalisation de la Cour des comptes, le rôle très important du Conseil de la concurrence et de contrôle, les juridictions pénales compétentes sont autant de mécanismes mis en place qui présentent beaucoup d'avantages et interviennent de l'avis même de M.Kouroughli, souvent tardivement, soit après les violations de la réglementation et ne peuvent pas pour ainsi dire prévenir l'illégalité et éviter à l'avance des préjudices à la collectivité. Intervenant à ce sujet, M.Eric Thibaut, auditeur au Conseil d'Etat de Belgique fera un long exposé sur le contentieux des marchés publics dans son pays. Ainsi, l'on apprend qu'en Belgique, une fois le contentieux des marchés publics devant le Conseil d'Etat de ce pays, il est traité par deux corps indépendants de magistrats. A cet effet, la Cour de cassation en Belgique ne considère que la compétence pour ordonner dans des conditions déterminées la suspension de l'exécution d'un acte ou d'un règlement émanant d'une autorité administrative attribuée au Conseil d'Etat, n'implique aucune limitation de la compétence du président des référés pour statuer par provision sur des droits civils subjectifs. L'Etat belge, souligne l'expert, a même inscrit dans la législation concernant les marchés publics, l'obligation d'attente (stand still) entre la notification d'une décision d'attribution aux soumissionnaires ou aux candidats non retenus et la conclusion définitive du contrat. De son côté, abordant le référé administratif, M.Paul Lewalle, conseiller d'Etat et professeur extraordinaire à l'université de Liège, soulignera que l'organisation des procédures d'urgence, dans un Etat donné, relève d'un défi. Selon le conférencier, il s'agit d'assurer la protection juridictionnelle du citoyen là où elle est la plus nécessaire, tout en ménageant l'indispensable pouvoir d'action des autorités publiques. «Il s'impose de ménager les décisions et les règlements administratifs censés accomplis dans l'intérêt de tous, et il s'agit de les soustraire à toute procédure qui pourrait n'être mue qu'à des fins dilatoires», dira M.Lewalle en mettant en relief, en même temps, la nécessité de préserver la protection due aux droits et intérêts du citoyen. Le professeur conclut cependant en s'interrogeant sur les pouvoirs législatif et judiciaire. «Le pouvoir arrêtera-t-il le pouvoir?» Pour M.Paul Lewalle, cela relève sans nul doute d'un choix éminemment politique. Mais là est un autre débat. Enfin, il y a lieu de signaler que les séminaristes devaient, hier après-midi, aborder le lourd dossier du contentieux fiscal en Algérie. Une comparaison avec les contentieux fiscaux en France et en Turquie devait également être soulevée par les experts de ces deux pays.