Les entorses à la loi dans la passation des marchés publics ainsi que les expulsions constituent la majorité des plaintes traitées par les juridictions administratives. Outre les entraves bureaucratiques et fiscales, les principaux obstacles à l'investissement, notamment étrangers, sont les conditions souvent occultes dans lesquelles les marchés sont conclus. La mise en place de règles de transparence requiert la vigilance des magistrats des juridictions administratives, dont les décisions ou les injonctions servent de frein à ce genre de pratiques. Cependant, pour vaincre définitivement la tentation de telle ou telle administration ou entreprise publique à conclure une transaction complaisante, les juges doivent s'assurer que leurs arrêts sont exécutés. Ce n'est pas toujours le cas. Du moins rarement. Plusieurs magistrats intervenus, hier, au cours de la première journée du séminaire international sur la justice administrative ont déploré la résistance des autorités publiques à se conformer à leurs jugements. Cette rencontre, tenue à l'hôtel El-Aurassi, a été conçue comme un espace de débat et d'échanges entre les professionnels algériens et leurs homologues étrangers, avec comme objectif de donner un coup d'accélérateur à la réforme. Côté algérien, des magistrats du Conseil d'Etat et des chambres administratives, les auxiliaires des deux chambres nationales des notaires et des huissiers de justice, des membres du barreau ainsi que des représentants des ministères des Finances, de l'Intérieur, de la Défense nationale, des Travaux publics, des Participations et de la Promotion des investissements ainsi que le ministère délégué chargé des Collectivités locales ont pris part aux travaux. Voulant imprégner ses juges des us et des règles de travail en cours en Europe, la chancellerie a convié, par ailleurs, des experts de France, dont Jacques Léger, président de la cour administrative d'appel de Marseille, de Belgique en la personne de M. Lewalle, conseiller au Conseil d'Etat et, de Turquie, à travers le concours de M. Candanturgut, président de la 7e section du Conseil d'Etat. Les procédures d'urgence, les référés, les injonctions ainsi que le pouvoir du juge à faire exécuter son verdict figurent parmi une série d'attributions contenues dans le code de procédures civiles et en application du principe de la dualité de la justice consacré par la Constitution de 1996. Les amendements du code de procédures civiles, actuellement en cours d'élaboration au sein du gouvernement, tendent à renforcer ces prérogatives, par exemple en autorisant le juge des référés à suspendre l'adjudication d'un marché public pour absence de publicité. Celui-ci agit ainsi conformément au décret présidentiel n°02-250 portant réglementation des marchés publics. Mais comment s'assurer que cette suspension est respectée ? En vertu de l'article 183 du code de procédures civiles, le juge des référés a le droit de statuer sur les difficultés à exécuter une décision de justice. Pour autant, ses rappels à l'ordre restent souvent lettre morte. Pour preuve, en cas de litige entre un citoyen et l'administration, la résistance de celle-ci à payer son dû fait retomber l'obligation de dédommagement sur le Trésor public. Ministères, wilayas, collectivités locales ou autres organismes publics ont cette fâcheuse tendance à se considérer au-dessus de la loi. Ce qui complique davantage la mission des juges administratifs. La multiplication des litiges les astreint à une cadence effrénée. Selon Hassan Abdelhamid, conseiller d'Etat, “le recours devant les juridictions administratives s'est systématisé”. Annuellement, des milliers d'affaires sont traitées allant de la passation des marchés publics aux expulsions des logements d'astreinte. Au niveau du Conseil d'Etat, dix mille affaires sont en instance. “Les dernières ont été enregistrées mercredi dernier”, révèle Fella Henni, la présidente. Le Conseil d'Etat a été créé, en 1998, en application de l'article 152 de la Constitution. Son rôle est double. Il a une vocation consultative dans l'élaboration des lois par l'Exécutif et une mission judiciaire. En France, la mise en place d'un système de filtrage a permis aux juridictions administratives d'alléger la charge des tribunaux judiciaires. Sur dix affaires, neuf sont prises en charge par elles. Actuellement, 25 000 plaintes sont en cours d'instruction par la cour administrative de l'Hexagone. Enfin, il est à noter que parallèlement au séminaire international sur la justice administrative, la chancellerie organise, depuis hier et pour une durée de cinq jours, une session de formation au profit des magistrats ayant pour thèmes “Les dispositions du code du commerce algérien en matière de contrats”, “Des contrats internationaux”, “Le crédit documentaire”, “La typologie des litiges associés” et “L'arbitrage international”. Samia Lokmane