Ils ont opté pour la manière forte pour faire entendre leurs revendications. Après les événements tragiques qui se sont déroulés à Birtouta, les Eucalyptus, Bordj El Kiffan, c'est au tour des citoyens de Rouiba, précisément les habitants de Hay El-Nacer, d'exprimer leur colère. Ils accusent les responsables locaux de faire la sourde oreille à leurs doléances. Tôt dans la matinée d'hier, des émeutes ont éclaté sur la RN5. Les citoyens, au nombre de 500 au moins, se sont regroupés pour dénoncer leurs conditions de vie qu'ils estiment lamentables. Leur ras-le-bol trouve sa justification, au vu du quartier où ils résident, livré à la mal-vie et aux comportements immoraux d'une faune d'individus aux pratiques plus que douteuses. Le banditisme et la drogue sont monnaie courante, se plaignent les habitants qui pointent également du doigt les autorités locales pour l'absence de prise en charge de leur quartier. Le chômage, le manque d'écoles, d'infrastructures de formation, des routes non goudronnées, un réseau d'assainissement inexistant...et la liste est encore longue. Les manifestants, essentiellement des jeunes chômeurs et des lycéens, ont opté pour la manière forte pour faire entendre leurs revendications. La situation n'a pas tardé à dégénérer lorsque les concernés ont allumé des feux, utilisant des pneus, des branches d'arbres. Ne se contentant pas de ces actes de violence, les émeutiers devant le refus du wali-délégué de se présenter, prétextant des consignes émanant du premier responsable de la wilaya, ont commencé à jeter des pierres et des bouteilles vides sur les gendarmes et les forces de l'ordre, dépêchés sur les lieux pour rétablir le calme. Vu l'évolution de la situation et le risque de dérapage, les forces antiémeutes, sous les ordres du commandant Athmani, ont entamé des négociations avec les représentants des contestataires. Pourparlers qui n'ont pas abouti. Devant l'obstination des jeunes, les forces de l'ordre ont employé la force en usant de matraques pour disperser les protestataires, dont le nombre augmentait à vue d'oeil. A 11 heures, les manifestants ont en effet été rejoints par une foule nombreuse. Les forces de l'ordre n'ont pas eu besoin de passer à un stade supérieur dans la répression de la manifestation, puisque la foule s'est dispersée à la première charge des gendarmes. Ils promettent tout de même de renouveler leur mouvement avec plus de force si les responsables locaux ne prennent pas en compte leurs doléances. Rencontré sur les lieux, le maire de Rouiba, M.Omar Khoudri, nous indique que l'APC a initié plusieurs programmes au profit de cette localité, à savoir la rénovation des routes qui sont dans un état lamentable et l'installation du gaz de ville qui se fera dans quelques mois. Quant aux logements, notre interlocuteur informe que cette question relève de la daïra. Et de poursuivre: «La mairie se dégage de toute responsabilité.» En ce qui concerne la construction des écoles et de centres de distraction, le premier responsable de l'instance communale nous affirme que la disponibilité du foncier fait défaut. Ainsi, toutes les émeutes qui éclatent depuis quelques mois, ici et là, dans diverses localités notamment à Laghouat, Chlef, Arzew, ainsi que tous ces mouvements de protestation ont un dénominateur commun, le ras-le-bol. Et, à chaque fois, les élus sont pointés du doigt. L'ampleur des secousses, mais surtout leur nombre de plus en plus fréquent à travers le pays doivent être appréhendés comme un signal d'alarme inquiétant quant à la désespérance qui mine des zones où les laissés-pour-compte peuvent, à un moment ou un autre, mettre le feu aux poudres. Pourquoi les autorités locales mettent-elles tout ce temps à réagir face à un phénomène devenu endémique? Pourquoi la prise en charge des problèmes de quotidienneté (voirie, transport, scolarité) doit-elle se faire sous la pression des émeutiers alors que la gestion prévisionnelle commande de pressentir les besoins et de mobiliser les moyens au fur et à mesure du développement de telle ou telle localité? Où va l'argent des communes si tant est qu'elles soient rapidement destinataires des subventions que l'Etat doit leur allouer, compte tenu de leur importance et de leur aménagement? Les récents événements qui ont secoué la France sont une illustration de ce qu'il ne faut pas faire en termes de mépris et de marginalisation de pans entiers de la société. De signal en signal, de révolte en révolte, il est à craindre qu'on en arrive un jour, peut-être demain, à l'embrasement de nos cités. Faut-il attendre, les bras croisés, que cette échéance soit inéluctable? Ce n'est pas là de l'alarmisme. La réalité est têtue et les faits, parfois cruels, impliquent un tel questionnement. Que les revendications citoyennes passent, désormais, d'Arzew à El Tarf, par des mouvements de révolte est certes un signe des temps, mais c'est aussi et surtout un appel au secours que les autorités du pays devraient méditer, sans plus tarder...