Il y aura fatalement deux lectures à faire à l'issue du scrutin. A mi-chemin des élections générales de 2007, les partielles de Kabylie, les premières à ne pas être boycottées par les délégués des archs depuis 2001, se révèlent comme un test pour beaucoup de formations politiques, qui voudraient bien mesurer leur audience dans une région réputée difficile et rebelle, et où le taux d'abstention est parmi les plus élevé du pays. Il y aura fatalement deux lectures à faire à l'issue du scrutin. La première sera politique, mais la deuxième aura forcément trait à la gestion des problèmes locaux, qui sont hélas, immenses. On attend donc dans les états-majors des partis de savoir quel sera le message qui sera délivré par les électeurs, notamment autour de la politique qui a pour axe la question de l'officialisation de tamazight. Mais le silence des archs eux-mêmes, qu'ils soient dialoguistes ou pas, en dit long sur cette question: elle n'est pas vraiment à l'ordre du jour de la campagne, même si des partis comme le PT en ont fait leur cheval de bataille. Dans l'ordre des priorités, et même si la question culturelle et linguistique reste cruciale et constitue le terreau des revendications , il n'en demeure pas moins que les gens voudraient tourner la page de la marginalisation de la région, livrée malgré elle, au sous-développement, à la montée inquiétante du chômage, à la poussée alarmante de l'insécurité, à la récession économique. Une chose est sûre: dire que la région est sous-gérée est un euphémisme. Si donc c'est cette deuxième tendance qui l'emporte, il apparaîtra alors, en clair, que les gens ont compris l'enjeu de ces partielles : il s'agira pour eux d'abord et avant tout, de mettre un terme à la non-gestion de leurs affaires quotidiennes. De mettre un terme au signe indien. Cela dit, et au vu des partis en lice, il ne fait aucun doute que les grosses pointures ont jeté leur dévolu sur la région, et cela est un signe qui ne trompe pas de leur volonté de ne plus rester absents d'une région qui compte sur l'échiquier politique. Il y a d'abord, on le sait, les deux partis implantés dans la région, à savoir le FFS et le RCD. Les soubresauts qui ont secoué cette partie du territoire depuis 2001 les ont touchés de plein fouet. Ils en ont subi à leur manière la marginalisation. Ces partielles sont pour eux l'occasion de revenir sur le devant de la scène. On a vu resurgir les vieilles rivalités qui opposent les deux formations depuis l'avènement du multipartisme, même si le RCD, dans sa nouvelle stratégie, a cherché à nouer des contacts et à se rapprocher de son frère ennemi. Les deux cependant ont concentré leurs attaques contre le pouvoir et ses relais, en criant à l'avance à la fraude. Sur au moins cette question, les deux sont sur la même longueur d'onde. Pour le reste, chacun a son réservoir électoral, ses troupes de sympathisants, ses bastions électoraux. En face, il y a les partis de l'alliance présidentielle, qui veulent faire de ce scrutin un tremplin pour les batailles électorales futures, une occasion de redorer leur blason. Ils tablent, à tort ou à raison, sur l'érosion qui, espèrent-ils, aura marqué l'audience des partis comme le RCD ou le FFS. Qui sont ces partis? Ce sont ceux de l'alliance présidentielle, FLN et RND en tête, qui jettent toutes leurs forces dans la bataille, profitent du flou artistique induit par cinq années d'absence de l'Etat, en cherchant à rafler la mise de ces élections. Leur leitmotiv est justement le suivant: l'Etat c'est nous. Comme dirait le président de l'APN, M.Saâdani: «Nous ne sommes pas ici pour parler de politique, mais pour apporter le développement». C'est, en quelques mots, l'enjeu même de ces élections: comment rendre l'espoir et la confiance à cette région meurtrie. Cette attitude ne cache cependant pas la guerre de tranchées que se livrent les deux partis du pouvoir et au pouvoir. Le FLN, sur le retour, et avec un arrière-goût de revenez-y, mène une offensive tous azimuts. Sachant qu'il est le parti de la majorité parlementaire et des assemblées élues, il table sur un recul présumé du couple FFS-RCD. Pour se présenter en sauveur de la région. Le même Saâdani promet le logement, le travail, l'hygiène... Quant au RND, dont le secrétaire général, par ailleurs chef du gouvernement, a mené le dialogue avec les archs, il campe sur sa réserve, se gardant de tout triomphalisme comme de tout défaitisme. Il veut montrer qu'il peut se présenter en alternative sérieuse et crédible. C'est ce que déclare en substance Abdeslam Bouchouareb, chef de cabinet du SG du RND, en disant: «Nous sommes une carte blanche dans cette région... Donnez-nous l'occasion de gérer». Alors que le sénateur Seddik Chihab, autre ténor du RND, n'hésite pas à égratigner le FLN: «Ils disent revenir en force. Pour quelle visée? Si c'est pour faire la même chose que durant les 50 dernières années; nous leur disons qu'ils ne sont pas les bienvenus». Comme on peut le constater à travers ces quelques citations, il ne fait aucun doute que ces partielles, pour modestes qu'elles soient, serviront non seulement de test, mais contribueront d'une certaine manière, à une recomposition du champ politique, d'autant plus que des partis comme le PT, le MSP ou El Islah ne désespèrent pas de jouer les trouble-fêtes et de tirer leur épingle du jeu.