Huit enfants âgés de deux à cinq ans sont dans un état jugé critique et inquiétant. L'opération de circoncision collective, organisée le 30 octobre dernier à El Khroub et qui vient de tourner au drame, continue de faire couler beaucoup d'encre. En ce jour fatidique, huit enfants âgés de deux à cinq ans avaient été gravement mutilés et se trouvent, depuis, à l'hôpital pédiatrique de Mansourah dans un état jugé critique et inquiétant. Selon un avis médical, deux des huit enfants sont déjà condamnés, ayant perdu définitivement leurs organes. A El Khroub et à Constantine, l'opinion publique et le milieu médical sont consternés par cette horreur qui a transformé une fête en un insoutenable calvaire pour des familles à la condition sociale modeste et qui vivent dans leur chair l'irréparable préjudice subi par leurs enfants. Vingt jours après le drame, les parents sont toujours dans le désarroi le plus absolu. Une mère, dont l'enfant a été irréversiblement mutilé, a même souhaité la mort de son enfant âgé de deux ans! A vrai dire, comment va-t-il survivre avec un handicap pareil? Pour ces parents, et c'est tout à fait légitime, la condamnation ne suffit pas. «Les médecins qui ont effectué l'opération ont gravement fauté par incompétence ou par négligence. Qu'ils soient exclus du corps médical ou même emprisonnés, cela ne changera rien pour nous», estiment les parents, avant de demander carrément l'intervention du chef de l'Etat, le seul à leurs yeux qui peut assurer à leurs gosses une prise en charge à l'étranger, comme ultime chance de réparer les dégâts. D'après l'une des mères, Boumezbar, l'un des médecins mis en cause, aurait fait montre d'une attitude désagréable à son encontre, lorsqu'elle est allée le voir pour lui demander de faire quelque chose. «Si vos enfants sont dans un tel état, c'est de votre faute», aurait-il dit. Devant cette catastrophe, et elle l'est à plusieurs titres, les parents ne savent plus à quel saint se vouer pour faire éclater toute la vérité et mettre fin à la fuite des responsabilités. Du côté de l'APC d'El Khroub, organisatrice de l'opération, le maire déclare qu'il n'a rien à voir dans cette affaire. Pour les parents, c'est inadmissible. Le président de l'APC est aussi responsable au même titre que les médecins. Ils condamnent aussi son attitude irresponsable lorsqu'il avait refusé de les recevoir; le maire dégage sa responsabilité et affirme: «Nous avons sollicité l'hôpital par écrit et ils nous ont envoyé ces deux médecins. J'ignore cependant s'ils ont répondu par écrit.» Sans commentaire. Lundi dernier, les parents s'étaient opposés au président de l'APC et ont refusé à ce qu'il rende visite à leurs enfants hospitalisés. Concernant le développement de cette affaire, le professeur Aberkane, ancien ministre de la Santé, ex-président d'APC d'El Khroub et actuellement sénateur, a pris attache avec le professeur Boussouf, chargé du suivi médical des enfants hospitalisés à Mansourah. Le professeur Aberkane suit de très près cette affaire. De son côté, le professeur Boussouf n'a pas manqué de s'interroger sur ce drame. Pour lui, c'est inadmissible. Cela ne doit pas être l'oeuvre d'un chirurgien, et ne peut être fait par un chirurgien. Quelque chose ne va pas. Les parents qui détiennent photos et vidéos, soutiennent, par contre, l'inverse. «Nous disposons de photos prises le jour de l'opération qui montrent très bien les chirurgiens en train de circoncire», affirment les parents. Au niveau de la direction de la santé, c'est le branle-bas de combat. On a récupéré tous les documents photographiques pour le compte de l'enquête. Selon une source sûre, les deux chirurgiens mis en cause ont été convoqués et entendus, en attendant la suite. Selon les parents, le bistouri électrique utilisé dans l'opération de circoncision serait interdit depuis des années déjà. L'appareil habituellement utilisé est trois fois plus petit. Pour les parents, l'affaire est trop grave pour que le vide juridique constaté dans le code de la santé ne soit exploité à des fins de diversion. Pour eux, la justice trouvera le moyen en jurisprudence afin d'identifier avec précision les responsabilités de chacun, notamment celle des médecins mis en cause. On parle d'ores et déjà que les deux chirurgiens risquent le retrait de leur permis d'exercer. Mais cela changera-t-il quelque chose? Evidemment, non. Particulièrement pour les parents qui lancent un SOS à l'Etat afin de s'impliquer pour accorder à leurs enfants une ultime chance de guérison, malgré que cet espoir s'inscrit dans un contexte vain. Dans tous les cas de figure, l'onde de choc laissée par le drame continue d'être perceptible. L'un des chirurgiens mis en cause persiste à renvoyer la responsabilité aux parents. Comment compte-t-il le prouver? Pour les parents, il n'y a aucun doute, les responsables sont l'hôpital et l'APC contre lesquels des plaintes ont été déposées hier. Juridiquement, les chirurgiens risquent bel et bien une peine de prison d'une à cinq années, en plus des dommages et intérêts. Pour le professeur Boussouf, qui a estimé que «ce n'est pas à moi de dénoncer un confrère», il s'agit «d'un regrettable accident duquel on doit titrer des leçons pour l'avenir». De la bouche d'un médecin, ces propos veulent beaucoup dire. L'une des leçons à tirer consiste sûrement à revoir cette pratique de circoncision collective qui est une honorable initiative qu'il faut mettre à l'abri de tous les «apprentis». Du côté de la direction de la santé, l'on assure que si la responsabilité des chirurgiens est prouvée, cette structure déposera une plainte à leur encontre. Lundi dernier, au moment où nous étions à l'hôpital pédiatrique de Mansourah, un autre enfant circoncis par le même médecin Boumezbar et dans les mêmes conditions et circonstances, a été admis pour des brûlures graves. Alors, accident, négligence ou «acte criminel» ou encore incompétence et irresponsabilité? L'enquête ordonnée par le ministère de la Santé va certainement déterminer les responsabilités. L'opinion publique exige toute la vérité sur cette affaire.