Les présidents algérien et français mettent à profit la célébration des dix années de l'Euromed pour faire un check-up des relations algéro-françaises. Les partenaires euro-méditerranéens du processus de Barcelone se rencontrent aujourd'hui et demain dans la capitale catalane pour célébrer les dix ans du lancement d'un mouvement appelé à construire un grand ensemble économique et commercial englobant les pays (nord et sud) du pourtour de la mer Méditerranée. Cette opportunité offre aussi à MM.Bouteflika et Chirac de faire un premier point sur les relations entre l'Algérie et la France parasitées par la loi française du 23 février qui affirme «le rôle positif de la présence française outre-mer et notamment en Afrique du Nord». Cette rencontre entre les deux chefs d'Etat est également la première du genre depuis la polémique suscitée par l'intempestive loi votée par le Parlement français. Selon un communiqué de l'Elysée rendu public vendredi soir, Jacques Chirac aura avec son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika un «aparté» et non « un entretien proprement dit », indique le porte-parole de la présidence française, Jérôme Bonnafont. Ce court entretien aura lieu en marge du sommet, aujourd'hui ou demain, a-t-il précisé. La discussion portera sur le traité d'amitié entre les deux pays, a encore indiqué le porte-parole de l'Elysée. Toutefois, il ne fait pas de doute que les deux hommes saisiront cette occasion pour évoquer la situation induite par la crise entre Alger et Paris provoquée par la loi sur la colonisation sus-mentionnée. La première retombée de l'initiative du Parlement français -glorifiant les sombres années de la colonisation- a été de reporter sine die la signature du traité d'amitié entre l'Algérie et la France, contrat d'amitié devant couronner les mandats respectifs des présidents algérien et français par la normalisation de relations entre Alger et Paris ayant connu plus de bas que de hauts, et cela par l'ouverture d'une nouvelle page entre les deux pays sans que, pour autant, soit exclu le passif entre les deux rives de la Méditerranée qui constitue la mémoire collective des deux peuples algérien et français. Le traité d'amitié, dont la signature était prévue pour la fin de cette année -au plus tard- est ainsi remis à des moments plus sereins en donnant le temps au temps. Il ne fait pas de doute toutefois que la France, devra, d'une manière ou d'une autre, assumer ses responsabilités coloniales et faire son mea-culpa en reconnaissant les torts faits par la colonisation en Algérie et en demandant pardon au peuple algérien. On cite souvent en exemple le précédent franco-allemand qui a vu les deux pays - que de nombreuses guerres ont opposé aux XIXe et XXe siècles - sceller une solide amitié en tirant un trait sur leur pénible passé en devenant les deux piliers de l'Union européenne. Mais, cela n'a pu être rendu possible que par le fait que Français et Allemands qui, sans faire table rase de ce passé commun, ont su faire fructifier ce qu'il avait eu de positif pour jeter de nouvelles bases à des relations devenues exemplaires pour les peuples qui, d'une manière ou d'une autre, se sont combattus. C'est ce que les Algériens demandent à la France : traiter l'Algérie sur un pied d'égalité et sans paternalisme, comme elle eut à le faire avec l'Allemagne après la Seconde Guerre mondiale. En effet, comment peut-on parler d'amitié quand dans le même temps le Parlement français rouvre des plaies non encore cicatrisées, en votant une loi perfide qui est une offense pour l'ensemble du peuple algérien. Le président Bouteflika avait, à juste raison, affirmé en juin dernier que cette loi symbolisait «une cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme». Si les députés et les sénateurs français voulaient entraver le traité d'amitié, envisagé entre Alger et Paris, ils n'auraient pas mieux agi, comme si les représentants du peuple français ne souhaitaient pas qu'il y ait de retrouvailles apaisées entre les Français et les Algériens. Aussi, lors de la rencontre entre MM.Bouteflika et Chirac, il ne fait pas de doute que la partie française aura beaucoup à faire pour lever les ambiguïtés sur la position officielle de la France sur, singulièrement, la question de la colonisation, position qui risque de rendre sans objet un traité d'amitié qui doit, en pratique, sceller un nouveau départ entre Algériens et Français.