Le sommet de l'Euromed qui s'est ouvert hier à Barcelone, en l'absence des leaders arabes, va tenter de relancer un mouvement quelque peu en décalage. Quarante pays euro-méditérranéens -y compris invités (où figure pour la première fois la Libye) et observateurs- tenteront durant la courte durée impartie au sommet de l'Euromed, (hier après-midi et ce matin) de relancer un processus devant donner vie à un partenariat durable tout en favorisant l'émergence d'un espace euro-méditerranéen ouvert et sûr. Toutefois, tous les analystes s'accordent à estimer que le processus de Barcelone n'a pas répondu, peu ou prou, aux attentes, notamment, des peuples du sud de la Méditerranée. En fait, pouvait-il en être autrement et attendre de la plate-forme de Barcelone plus qu'elle ne promettait en vérité? Le monde a changé, -même beaucoup-, au cours des dix dernières années, avec d'une part l'élargissement de l'Union européenne et d'autre part la montée en puissance du terrorisme qui n'a été pris en compte par l'Europe qu'une fois que celui-ci s'est directement attaqué à elle. Pour ce point précis, l'Algérie n'a pas manqué, dans un mémorandum, de relever qu'en «dépit d'une mention explicite de la Déclaration de Barcelone, la menace du terrorisme a longtemps été sous-estimée» notant que «le dialogue avec l'UE et dans le cadre de Barcelone a timidement commencé à définir quelques pistes de coopération au lendemain du 11 septembre» (attaque anti-américaine à New York contre le World Trade Center).L'Algérie a ainsi pu rappeler que la coopération «a commencé à se matérialiser lorsque la vie des citoyens européens a été mise en danger sur le sol européen» marquant le fait que «lorsque le processus de Barcelone se mettait en place, l'Algérie ployait sous les coups de boutoir d'un terrorisme qui se mondialisait, mais son message (de l'Algérie) n'avait pas été entendu». Et le mémorandum de l'Algérie de souligner: «Des organisations terroristes algériennes, identifiées en tant que telles par le Conseil de sécurité, n'ont pas été portées sur la liste européenne des organisations et personnes physiques liées au terrorisme». Ce laxisme européen envers le terrorisme a fait beaucoup de mal à un pays comme l'Algérie alors qu'une véritable coopération de l'Europe lui aurait sans doute épargné les milliers de victimes du terrorisme dont nombre de ses commanditaires avaient alors pignon sur rue à Londres, Berlin, Madrid et ailleurs en Europe. Or, tenu pour chose négligeable -tant qu'elle s'attaquait aux pays tiers- la menace terroriste n'a été prise au sérieux et est devenue l'une des préoccupations primordiales des dirigeants et responsables européens que lorsqu'elle a frappé en Europe. De fait, à Barcelone, l'Union européenne, toujours aussi unilatérale, veut mettre prioritairement l'accent sur la problématique du terrorisme -la présidence britannique de l'UE s'est engagée à cet effet dans des tractations pour convaincre les pays sud-méditerranéens à adhérer à son «code de bonne conduite antiterroriste»- et de la déferlante migratoire venue du continent africain notamment. En effet, l'Union européenne a mis le terrorisme et l'émigration au premier rang de ses préoccupations alors que le sud de la Méditerranée, s'il partage l'inquiétude générale quant à l'expansion du terrorisme, n'en a pas moins d'autres priorités qui ne sont pas toujours celles de leurs partenaires européens. A ce propos, le mémorandum de l'Algérie, tout en rappelant les multiples initiatives de l'UE, notamment dans la perspective de conforter un ‘'partenariat stratégique avec le Monde arabe'' ainsi que l'esquisse d'une ‘'politique européenne de bon voisinage'' souligne le peu d'efficacité d'une politique plus préoccupée du confort de l'Europe que réellement engagée à construire une coopération euro-méditerranéenne sans exclusivisme. Revenant sur la politique européenne de voisinage, l'Algérie note que «de ce point de vue, la politique de voisinage aurait sans doute gagné en crédibilité et en pertinence si elle avait fait l'objet d'un dialogue démocratique, dans l'esprit de Barcelone, afin d'en apprécier la valeur ajoutée pour nos pays et notre région» ajoutant «le sentiment de non-identification à cette nouvelle stratégie, qui risque de naître, liée à l'absence d'une évaluation préalable de ses implications, risque fort d'accentuer les frustrations ressenties de part et d'autre à l'avenir». Pour ce qui est de l'émigration, l'Europe des 25 a plus tendance à voir le problème sous l'angle sécuritaire plutôt que de l'intégrer dans la problématique de développement que connaissent tant les pays industrialisés que les pays en voie de développement. Sur cette question, l'Algérie estime que «les communautés issues des pays du sud de la Méditerranée installées en Europe doivent continuer à être perçues comme un facteur de rapprochement, en même temps qu'elles continueront à participer pleinement à la vie politique, économique, sociale et culturelle dans les pays d'accueil. A cet égard, souligne le mémorandum algérien, la mise en oeuvre des dispositions pertinentes de l'accord d'association sera d'une importance cruciale». C'est dire qu'au sommet de Barcelone il risque d'y avoir un dialogue de sourds lorsque les partenaires euro-méditerranéens ne se trouvent pas, toujours, sur la même longueur d'onde, les Européens privilégiant la politique du cas par cas et plus généralement la défense de l'intérêt de l'Europe avant toute chose ne s'émouvant réellement que lorsque le problème devient un danger (cf ; la question du terrorisme) ou une préoccupation majeure (l'émigration) pour son confort et son bien-être. Notons enfin la défection au sommet de Barcelone de la majorité des chefs d'Etat arabes dont nombre d'entre eux ont annulé leur venue dans la capitale espagnole. Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, hospitalisé samedi à Paris, n'a pu y assister pour cas de force majeure.