Le front social est en ébullition Si les autorités ont tout fait pour essayer de convaincre les organisations syndicales de revenir sur l'appel à la grève générale, celles-ci n'ont pas cédé, dès lors que le dialogue social est bloqué depuis de nombreuses années, et que les conditions de vie des Marocains se sont dégradées. A l'appel de la Confédération démocratique du travail (CDT), la Fédération démocratique du travail (FDT) et l'Organisation démocratique du travail (ODT), une grève générale a été observée hier au Maroc, dans le secteur public et les collectivités locales, paralysant les administrations et soulignant la montée du mécontentement de la population face à la dégradation des conditions de vie. Le mouvement islamiste Al Adl Wal Ihssane (Justice et Bienfaisance) s'est en outre rallié à ce débrayage qui interpelle le gouvernement marocain confronté à une vague contestataire exacerbée par une conjoncture de plus en plus difficile. Les organisations syndicales disent en effet protester «contre la pauvreté, le chômage, la maladie, l'analphabétisme et des conditions de travail qui se dégradent» de jour en jour. A l'instar de l'ODT qui dénonce une situation dans laquelle «le pouvoir d'achat est de plus en plus bas depuis presque une dizaine d'années», les représentations syndicales s'insurgent contre une hausse des prix des produits de consommation courante et du carburant, de l'eau, de l'électricité, du transport et du logement, au point qu'elle «plonge davantage les classes laborieuses et moyennes dans des difficultés extrêmes». Mais elles pointent surtout du doigt les méthodes du gouvernement, regrettant l'absence de «négociations ou de dialogue social sérieux» depuis 2011, avec une suspension ou, pire, un refus d'appliquer certains articles de l'accord conclu à cette époque.Quant à la branche syndicale d'Al Adl Wal Ihsane, elle critique la politique sociale marquée par «la faillite de la caisse de retraite dont les pots cassés sont payés par la seule classe ouvrière, le refus d'augmenter les salaires tout en maintenant la libéralisation des prix, la levée de la subvention de certains produits essentiels, l'atteinte à la gratuité de l'enseignement par le projet de loi-cadre et la consécration de l'instabilité de l'emploi par le contrat imposé dans la fonction publique». Si les autorités ont tout fait pour essayer de convaincre les organisations syndicales de revenir sur l'appel à la grève générale, force est de constater que celles-ci n'ont pas cédé, dès lors que le dialogue social est bloqué depuis de nombreuses années tandis que les conditions de vie et de travail des Marocains se sont considérablement dégradées. Sans une mobilisation réelle et déterminée, il était à craindre, estiment-elles à juste titre, une perte de crédit au sein des catégories de travailleurs du secteur public comme du privé. Seul moyen de contraindre le gouvernement El Othmani à entendre les revendications, la grève est vécue comme un exécutoire de l'exaspération socio-économique et politique d'une large frange de la population, notamment celle du Rif encore sous le choc des évènements du Harik et de la répression qui s'en est suivie. Le fait que le dossier des revendications soit géré par le ministère de l'Intérieur, tout en étant officiellement sur le bureau de la présidence du gouvernement, en dit long sur la manière dont le gouvernement entend répondre à un éventuel durcissement du mouvement contestataire, comme à son habitude. Et ce n'est donc pas par hasard que les organisations syndicales ont aussi protesté contre les atteintes aux libertés et aux droits syndicaux, exprimant leur ras-le-bol à l'égard de la politique gouvernementale, en général, et du climat sociopolitique, en particulier.