Des Algériens de tous âges et catégories sociales confondus Hommes, femmes, jeunes et moins jeunes de toutes catégories sociales sont sortis dans le calme et la fraternité dans la rue pour dire non au cinquième mandat du chef de l'Etat. Récit d'une journée des plus historiques... Vendredi matin, la capitale s'est levée de bonheur! Les Algérois s'étaient donné rendez-vous dès les premières heures de la matinée pour une méga opération de nettoyage des quartiers et ruelles d'Alger. «Avant d'aller nettoyer le système», précisent avec humour ces Algériens de tous âges et catégories sociales confondus. Car ils voulaient que tout soit parfait pour cette journée des plus historiques. En effet, l'opération de nettoyage terminé sac à dos sur les épaules, hommes, femmes, jeunes et moins jeunes ont pris la direction du centre d'El Bahdja pour dire non au cinquième mandat du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika. «El Mahroussa», qui n'a jamais aussi bien porté son nom avec les milliers de policiers qui l'encerclaient, voyait un flux inhabituel de monde pour un vendredi. Les manifestants qui pouvaient être reconnus grâce à l'emblème national, qu'ils portaient fièrement et leurs sacs à dos, se partageaient les «provisions» au moment où les brigades antiémeute s'habillaient pour la «circonstance». Cela n'a guère fait peur à ces jeunes déterminés à faire entendre leurs voix. Ils ont pris cela à la rigolade même lorsqu'ils se faisaient fouiller par les policiers pour leur enlever leur vinaigre. «On va faire une salade antipou voir», ont plaisanté certains. Le temps passe, la foule continue à affluer! L'appel du muezzin pour la prière du vendredi retentit! Les fidèles se dirigent vers la mosquée. Le calme est toujours perceptible. Mais les rues ne se sont pas vidées de leur monde. Alors que la «Djamouaâ» n'est pas encore finie, la foule décide de débuter la marche. On est à la place Maurice Audin. Dans cet endroit des plus symboliques, des jeunes donnent le tempo. «Non, au cinquième mandat. On veut le changement», lancent-ils avant d'improviser une marche. Un policier lance une bombe lacrymogène qui atteint violemment un jeune. Il est de suite évacué par ses camarades. Ça chauffe! Mais des présents lancent: «Silmiya, silmiya» (pacifique, pacifique) et demandent à leurs camarades de ne pas répondre à la provocation. Les révoltés obtempèrent avant d'entonner d'une seule voix et comme un seul homme «l'hymne national». La police se calme, la foule aussi! Le candidat à la présidentielle Rachid Nekkaz sort du balcon d'une maison une fleur à la main. Il lance des bombons aux protestataires. Débute alors une magnifique marche qui s'ébranle dans les rues de la capitale, en passant par la Grande Poste. C'est le point de ralliement décidé par les protestataires qui insistent sur le pacifisme de leur marche. Pendant ce temps-là, des groupes essayent de les rejoindre venant du quartier historique de Bab El Oued, ainsi que de la place du 1er Mai. Les brigades antiémeute tentent de les empêcher en lançant des bombes lacrymogènes. Néanmoins, les «marcheurs» sont décidés à ce qu'il n' y ait pas de dépassements. Ils évitent de tomber dans le piège de la provocation. La foule grandit peu à peu, les «barrages» de policiers n'arrivent plus à la contenir. Les manifestants les contournent. Ils rejoignent leurs camarades qui sont au niveau du Boulevard Mohammed V, direction El Mouradia. Un cortège de plusieurs kilomètres se forme! Il est très cosmopolite. Le raz de marée humain déferle au son des «Bouteflika makache Oukada Khamissa (pas de cinquième mandat, Ndlr)». Les habitants des immeubles avoisinants sortent saluer les «indignés» tout en leur lançant des bouteilles d'eau. Un magnifique élan de solidarité que l'on ne trouve que chez nous. Il est presque 15 h, les manifestants arrivent à la rue Addis Abeba, à côté du palais du Peuple. Les policiers les repoussent en usant encore une fois de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes. Des bousculades s'ensuivent! Quelques personnes sont blessées suite à la panique, mais les Algériens sont déterminés à arriver à la présidence de la République. «Chouiya, chouiya anlahkou El Mouradia». Après plus de deux heures de lutte, ils arrivent à forcer le barrage du palais qui porte bien son nom. Déterminés, les manifestants accourent alors vers leur objectif. Ils sont bloqués au niveau du Lycée Cheikh Bouamama, à quelques encablures de la Présidence. Des affrontements s'ensuivent. La manifestation commence à dégénérer, mais les «sages» continuent de calmer la foule. Les «Silmiya, silmiya» retentissent encore une fois avant de laisser place aux chants patriotiques et à l'hymne national sous les drapeaux qui flottent de partout! Voilà donc le récit d'une belle journée historique sous le magnifique soleil d'Alger où les Algériens ont envoyé un message fort à leurs dirigeants. C'est l'heure de partir...